Pour freiner l’exode de ses médecins, l’Algérie gèle la certification de leurs diplômes

4192


Un médecin de l’hôpital de Boufarik, en Algérie, en août 2018.

Empêcher les médecins de quitter l’Algérie en refusant d’authentifier leurs diplômes, c’est la solution trouvée par les autorités pour remédier à un exode continu depuis les années 1990. Ce gel, appliqué depuis au moins un an, n’était pas ouvertement assumé par Alger, mais le 13 juillet, le pouvoir est sorti de son mutisme par la voix du ministre de l’enseignement supérieur, Kamel Baddari, qui répondait au député de la communauté algérienne établie en France, Abdelouahab Yagoubi, demandant sur sa page Facebook « jusqu’à quand [allait] durer cet arbitraire à l’égard des droits individuels ».

« Dans le cadre de l’examen des moyens visant à freiner le phénomène de l’exode vers l’étranger des compétences nationales des diplômés des sciences médicales, l’opération d’authentification directe des diplômes des sciences médicales a été gelée provisoirement », a justifié Kamel Baddari, précisant que le processus reprendra une fois que des « solutions seront proposées pour remédier à ce phénomène et le limiter ».

Ce début de transparence s’accompagne toutefois d’un aveu d’impuissance : « Le gel de l’authentification des diplômes n’a pas empêché la migration des compétences médicales, médecins généralistes et spécialistes », concède le ministre, relevant que les organismes recruteurs étrangers passent, pour obtenir la certification des diplômes, par « les représentations diplomatiques algériennes à l’étranger ou celles de leurs pays respectifs accréditées en Algérie ».

Un « entêtement bureaucratique absurde »

Encore officieuse, cette mesure avait déjà suscité des alertes de syndicats et de juristes. En septembre 2023, le Syndicat national des médecins (SNM-UGTA) avait fait part à Kamel Baddari de sa « préoccupation » de voir cette restriction appliquée uniquement, selon lui, aux diplômés des facultés de médecine, de pharmacie et de chirurgie dentaire. Le SNM avait alors sollicité une discussion sur cette « importante question ».

Lyes Merabet, le président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), avait alors défendu, dans une déclaration au site d’information TSA, le droit des médecins algériens de poursuivre leurs études à l’étranger et de choisir le pays dans lequel ils souhaitent s’installer. La décision, avait-il prédit, n’allait « rien régler » et ne ferait que « créer des tensions inutiles ».

Outre la France, destination classique, un nombre croissant de médecins algériens s’expatrient en Amérique du Nord ou dans les pays du Golfe. Quelque 15 000 médecins formés en Algérie seraient en activité en France. Les raisons des départs sont connues : quête de meilleurs salaires et épanouissement professionnel, alors que de nombreux médecins généralistes ne trouvent pas d’emploi en Algérie.

Un professionnel du secteur, sous le couvert de l’anonymat, voit dans cette mesure un « entêtement bureaucratique absurde ». « C’est le Tiri-Bark », ajoute-t-il, reprenant les mots de l’entrepreneur Nabil Mellah, emprisonné à la suite d’une « cabale pour le faire taire », selon ses avocats. « Tiri bark », qui se traduit par « Vas-y, tire sans te soucier du reste », était sa formule pour critiquer la persistance du pouvoir à prendre des mesures insensées dont l’inefficacité est prouvée.

Réutiliser ce contenu



Source link