C’est un tir de barrage inédit : jeudi 25 janvier, plus de 80 organisations non gouvernementales (ONG) ainsi qu’une demi-douzaine de parlementaires européens ont annoncé avoir enjoint à la Commission européenne de reconsidérer sa décision de réautoriser le glyphosate pour dix ans. Deux procédures distinctes ont été engagées presque simultanément. La première par le collectif Secrets toxiques – une coalition de 78 ONG, soutenue par plusieurs eurodéputés –, la seconde par différentes organisations du réseau Pesticide Action Network (PAN), représenté en France par l’association Générations futures. Ces deux procédures devraient aboutir, dans les prochains mois, à une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Les intéressés contestent la légalité de l’autorisation accordée à l’herbicide controversé. Ils estiment que l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux, menée par les autorités réglementaires, déroge au droit de l’Union. La veille du dépôt de ces deux recours, le journal en ligne Politico déposait une troisième pierre dans le jardin de la Commission, en révélant un mémo confidentiel sur le sujet, produit en 2022 par le service juridique du Parlement de Strasbourg.
Celui-ci analyse un arrêt de 2019 (dit « arrêt Blaise ») de la CJUE selon lequel les formulations commerciales de produits phytosanitaires – c’est-à-dire les produits réellement utilisés – doivent faire l’objet d’études évaluant les risques d’une exposition à long terme (en général deux ans sur des rongeurs) avant mise sur le marché. Or, à l’heure actuelle, dans le cas du glyphosate (mais aussi de la majorité des pesticides), de telles études n’ont pas été menées. Les seuls tests de ce type (pour évaluer le risque cancérogène sur l’animal, par exemple) portent sur les molécules actives – en l’occurrence le glyphosate seul, sans les mélanges de coformulants destinés à en accroître l’efficacité. Selon la note publiée par Politico, la Commission ne semble pas avoir respecté la réglementation européenne sur le sujet telle qu’interprétée par la haute juridiction communautaire.
Un « problème d’évaluation de la toxicité »
Le recours de la coalition Secrets toxiques porte précisément sur cet aspect du dossier. « Nous avons décidé de focaliser notre action sur le problème d’évaluation de la toxicité à long terme des pesticides tels qu’ils sont épandus, et non sur leur seule substance active, dit Andy Battentier, coordinateur de la coalition. Il y a souvent une confusion entre les produits tels qu’ils sont épandus et la substance active isolée. En l’occurrence, ce n’est pas du glyphosate pur qu’on épand dans les champs, mais des formulations contenant du glyphosate et tout un ensemble de coformulants. C’est la toxicité à long terme de ce mélange qui nous intéresse ! »
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