Philippe Sands, l’avocat porteur d’histoire

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Philippe Sands est assis dans son bureau au premier étage de sa maison de Hampstead, quartier huppé de Londres, son enregistrement préféré d’Anthem, de Leonard Cohen, en fond sonore. Ce jour d’avril, cela fait quatre heures que l’avocat, professeur de droit et écrivain franco-britannique parle de ses innombrables activités.

Passant du français à l’anglais, le sexagénaire évoque pêle-mêle son travail sur le projet de tribunal spécial pour juger Vladimir Poutine pour crime d’agression contre l’Ukraine, sa passion pour le club de foot londonien d’Arsenal ou son avis sur le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, un ancien élève. « C’est ton idée du paradis », commente son épouse, Natalia Schiffrin, juge aux affaires familiales à Londres.

C’est vrai, Philippe Sands aime bien raconter des histoires – aux journalistes, aux juges, à ses lecteurs, sur scène à des spectateurs. Sa vie est déjà ordonnée en récit, les questions suscitent rarement des hésitations et il parsème ses réponses de phrases que l’on retrouve dans toutes ses interviews. Un juge de la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction des Nations unies, l’a surnommé le « storyteller ». « Ce n’est pas une critique, assure Philippe Sands. Ils adorent quand je plaide parce que je raconte des histoires. Mais je fais du droit aussi. Et il y a un grand lien entre les deux. »

Livres, spectacles, podcasts, tribunes…

Philippe Sands conseille aujourd’hui l’Autorité palestinienne à la CIJ, qui, pour la première fois, va se prononcer sur la légalité de l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Sa plaidoirie du 19 février a tourné sur les réseaux sociaux, découpée en petits clips devenus viraux le montrant perruqué, déroulant un implacable ­argumentaire sur le droit des Palestiniens à l’autodétermination. Il a reçu des centaines de messages. « C’était crazy ! », s’enthousiasme-t-il encore.

Avec ses livres à succès, adaptés en spectacles musicaux, en podcasts (« La Filière », sur France Culture, a rassemblé 2 millions d’auditeurs) ou en bande dessinée, ses tribunes retentissantes et ses interviews qu’il accorde généreusement, Philippe Sands est surtout devenu un des rares, pour ne pas dire le seul, avocats en droit international à s’adresser à un large public.

En 1998, il a refusé de représenter l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, arrêté à Londres, et plaidé pour la partie adverse, comme conseil de l’ONG Human Rights Watch, devant la Chambre des lords, la Chambre haute du Parlement du Royaume-Uni. Dans une décision historique, cette dernière a écarté l’immunité de l’ancien dictateur.

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