« On sent une injonction à la réussite. Il faut “gagner la course” et être diplômé le plus rapidement possible »

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A son arrivée en première année de géographie il y a trois ans, Lucille, 18 ans, découvre que les cours sont plus scientifiques qu’elle ne le pensait. Cartographie statistique, représentation de la ville… Installée dans l’amphithéâtre clairsemé, elle a la boule au ventre. « Je m’étais mal renseignée. Une amie m’avait parlé de cette licence et j’ai décidé un peu au hasard… », admet aujourd’hui l’étudiante à l’université de Pau. Auparavant « toujours dans la moyenne », elle connaît ses premières difficultés scolaires. « Je me sentais nulle et cela m’angoissait beaucoup », se remémore cette fille d’infirmière habituée à gérer ses problèmes seule. Si Lucille (elle n’a souhaité donner que son prénom, comme d’autres témoins interrogés) redouble sa L1, elle se convainc de poursuivre son cursus. Tant pis si ses notes dégringolent en L2.

Sa meilleure amie, unique confidente, lui suggère de changer de formation. « Je n’y avais jamais pensé. Cela ne collait pas avec l’image que j’avais des études supérieures. Pour moi, il fallait absolument avoir un parcours linéaire », justifie Lucille. Petit à petit, la jeune femme accepte l’idée, soutenue par sa mère. En mai 2024, elle s’inscrit en première année d’histoire de l’art à l’université de Pau sur Parcoursup, la plateforme d’orientation. Sans regret. « J’adore analyser des tableaux et surtout l’art grec ! », se félicite la Paloise, qui envisage un master en patrimoine et musées. Seul hic : elle entame sa licence à 21 ans avec des étudiants qui en ont 18 : « Il y a un petit décalage, mais ça va, j’arrive à discuter avec eux. »

Lucille est loin d’être la seule à avoir fait une erreur d’aiguillage. En 2024, sur les 945 500 candidats inscrits sur Parcoursup, 169 000 étaient en réorientation, selon les données officielles, soit environ 20 %, avec une augmentation de 3,7 % par rapport à 2023. Un chiffre constant qui reflète la difficulté de créer un projet solide dès le lycée. « Les jeunes sont abreuvés de renseignements sur les filières, mais pas assez sur les métiers. Mieux vaut se réorienter plutôt que de foncer dans un mur », estime Valérie Deflandre, conseillère au Centre d’information et de documentation jeunesse à Paris. Même avis au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche : « La réorientation concerne maintenant tous les types d’étudiants, quel que soit leur profil scolaire ou leur filière de formation et n’est plus synonyme d’échec. »

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