« On a sous-estimé l’état de délabrement du régime Al-Assad »

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Le Franco-Syrien Jihad Yazigi, rédacteur en chef de Syria Report, une lettre d’information en ligne sur l’économie syrienne, analyse les ressorts et les perspectives du réveil de l’insurrection anti-Al-Assad, qui a mené à la prise d’Alep par les rebelles islamistes d’Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), dimanche 1er décembre, et à la prise, quatre jours plus tard, de la ville de Hama.

« Etat de siége », de Reem Yassouff. Encre, acrylique, collage sur toile, 30 × 24 cm, 2017.

On avait le sentiment que la guerre civile syrienne s’était achevée en 2018, avec la reconquête par le régime de Bachar Al-Assad de la Ghouta, la banlieue de Damas, et de la province méridionale de Deraa, les principaux bastions de l’insurrection avec la ville d’Alep, reprise par les loyalistes en 2016. Etait-ce une erreur ?

La guerre n’a en fait jamais pris fin. Elle a baissé en intensité, et elle s’est éloignée des principaux centres urbains, c’est ainsi qu’elle est passée sous le radar des médias. Mais les violences se sont poursuivies, notamment les bombardements russes sur la province d’Idlib, le bastion de HTC dans le nord-ouest. Il y a eu quelques pics, comme l’offensive turque contre le Rojava, la zone kurde dans le nord-est, en 2019, et l’intervention des forces d’Ankara contre l’armée syrienne, en 2020, autour d’Idlib.

Il ne faut pas oublier non plus l’attaque aux drones contre l’académie militaire de Homs, en 2023, qui a fait 80 morts, principalement des cadets. A l’époque, on s’était dit que ce ne pouvait pas être l’œuvre des rebelles d’Idlib, car la ville semblait trop éloignée de leurs positions. Mais, vu l’usage que HTC fait des drones dans son offensive actuelle, son implication dans l’attaque de Homs devient tout à fait crédible.

Comment expliquez-vous qu’Alep et Hama soient tombées aussi vite aux mains de HTC ?

On a sous-estimé l’état de délabrement de l’armée syrienne et du régime. Les soldats stationnés à Alep et Hama n’ont pas combattu, tout comme l’armée irakienne s’était évanouie, en 2014, à Mossoul, devant les forces de Daech [acronyme de l’organisation Etat islamique]. Dès que l’on s’éloigne de ses principaux centres de pouvoir, à savoir l’axe Damas-Homs-Lattaquié, le régime Al-Assad est extrêmement faible.

En 2019, à l’issue de l’attaque turque dans le Rojava, qui s’est conclue par un redéploiement des forces du régime dans certaines zones de cette région, un responsable kurde m’a confié une information éclairante. Les soldats qu’ils ont vus arriver étaient en si piteux état, mal habillés, mal équipés, qu’ils leur ont distribué de l’argent, pour éviter qu’ils ne se mettent à piller.

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