LETTRE DE BRUXELLES
Et si l’Union européenne (UE) avait vécu son « moment Olaf Scholz » ? Le chancelier allemand, empêtré dans ses problèmes de politique intérieure, ne s’est jusqu’ici pas illustré par sa capacité à aider les Européens à faire des compromis. Mais à la mi-décembre, lors de la réunion des Vingt-Sept, qui se tenait à Bruxelles, il a trouvé la solution qui permettait d’éviter le veto hongrois contre l’ouverture des négociations d’adhésion de Kiev à l’UE.
Depuis des jours, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, répétait ses objections, arguant du fait que l’Union ne peut envisager de prendre en son sein un pays en guerre et aussi corrompu que l’Ukraine. D’autant, poursuivait-il, que son intégration ne pourrait que déstabiliser l’édifice communautaire.
A la table du Conseil, jeudi 14 décembre, ses vingt-six homologues ont, une nouvelle fois, longuement expliqué pourquoi il était capital d’envoyer un signal politique fort à Volodymyr Zelensky, alors que sa contre-offensive est dans l’impasse et que les Etats-Unis se déchirent sur la poursuite de leur aide à Kiev. Ils lui ont aussi, et surtout, rappelé la nécessité de faire front face à Vladimir Poutine qui, depuis le début de la guerre en Ukraine, mise sur la division des Européens. Sans parvenir à quoi que ce soit.
Quand soudain, Olaf Scholz a proposé à Viktor Orban d’aller « prendre un café », le temps que ses pairs décident d’ouvrir les négociations d’adhésion. Le social-démocrate connaît bien cette technique éprouvée au sein de la communauté de travail des jeunes socialistes au sein du SPD (Jusos), dont il fut le vice-président au début des années 1980, et qui permet de se passer du vote des dissidents en les faisant sortir. Les juristes européens l’ont confirmé : elle pouvait être transposée aux affaires communautaires puisque l’abstention de l’un ou l’autre des chefs d’Etat et de gouvernement n’empêche pas une décision à l’unanimité, tant qu’un certain quorum est atteint.
Proposition peu orthodoxe
Le dirigeant nationaliste s’est empressé d’accepter la proposition peu orthodoxe du chancelier. D’autant qu’il peut encore faire déraper le processus : à deux reprises, dans les prochains mois, les Vingt-Sept devront se prononcer à l’unanimité pour que les négociations d’adhésion s’ouvrent bel et bien. Et on imagine mal que le stratagème de la « pause-café » se répète !
Vendredi, Viktor Orban a donc pu rentrer à Budapest la tête haute, en assurant à ses concitoyens que « la Hongrie n’a pas participé à cette mauvaise décision », sans se mettre à dos de manière durable ses partenaires et prendre le risque qu’ils lui fassent payer, sur d’autres dossiers, son obstruction.
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