« Nous vivons la fin d’une illusion européenne »

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Paolo Gentiloni, à Bruxelles, le 15 novembre 2024.

La Commission européenne a publié ses dernières prévisions économiques vendredi 15 novembre. Elle table, dans les deux ans à venir, sur un regain de croissance, qui resterait néanmoins modeste. Elle pointe aussi les nombreux défis qui attendent l’Union et pourraient encore réduire ses performances économiques. Face à eux, juge, dans un entretien au Monde, Paolo Gentiloni, le commissaire aux affaires économiques, les Européens doivent agir. « C’est maintenant ou jamais », dit-il.

La croissance européenne reste morose. Pourquoi ?

Cela aurait pu être bien pire. Fin 2022, l’Europe était en récession. En 2023, elle était en stagnation. Aujourd’hui, la croissance est de retour, à un rythme très limité, c’est vrai, mais elle est de retour. La consommation n’est pas encore repartie, alors que le pouvoir d’achat des ménages s’est amélioré avec la baisse de l’inflation. Le taux d’épargne reste anormalement élevé, essentiellement à cause des incertitudes actuelles, comme le retour de la guerre. De même, l’investissement privé n’est pas à la hauteur, il n’a pas retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie.

Mario Draghi, dans son rapport sur la compétitivité, appelle les Européens à agir sans attendre, sans quoi l’Union, en plein décrochage économique, serait, dit-il, promise à une « lente agonie ». Vous partagez ce diagnostic ?

Nous vivons la fin d’une illusion européenne, l’illusion d’une énergie bon marché grâce au gaz russe, d’un marché chinois ouvert sans limite à nos exportations et d’une sécurité assurée par les Etats-Unis.

N’est-ce pas plutôt une illusion allemande que vous décrivez ?

Non. C’est une illusion européenne dont l’Allemagne a été le principal acteur. Plus que les autres Etats membres, elle doit aujourd’hui augmenter ses dépenses en matière de défense. Plus que les autres, elle a, compte tenu de la taille de son industrie, souffert de la hausse des prix de l’énergie. Plus que les autres, elle est exposée aux menaces de protectionnisme qui viennent des Etats Unis et de la Chine. Ce sont des défis qui concernent tous les Européens mais auxquels l’Allemagne est plus exposée.

La guerre en Ukraine, le conflit au Moyen-Orient, l’élection de Donald Trump… l’Europe est cernée. Que peut-elle faire ?

Ces menaces devraient faire office de signal d’alarme, nous pousser à agir. C’est maintenant ou jamais, d’une certaine manière. Mais le problème, c’est ceux que ce signal d’alarme devrait réveiller. La France [avec un gouvernement sans majorité] et l’Allemagne [où des élections sont prévues en février 2025] sont dans des situations précaires. Cela donne à la Commission et à sa présidente, Ursula von der Leyen, une responsabilité encore plus grande.

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