« Norah », un portrait de la jeune fille saoudienne

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L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

Norah (Maria Bahrawi), dans « Norah », de Tawfik Alzaidi.

On se souvient de l’heureuse surprise que fut Wadjda (2012), de la réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour, premier film à avoir jamais été produit en Arabie saoudite – un pays où, par ailleurs, les salles de cinéma ont rouvert en 2018, après trente-cinq années de fermeture. Cette comédie, qui eut sa première mondiale à la Mostra de Venise, suivait le désir irrépressible d’une adolescente de monter à bicyclette, une activité interdite aux femmes jusqu’en 2013. L’ambition de l’œuvre, tant esthétique que politique, avait emporté l’adhésion. En France, Wadjda a enregistré plus de 400 000 entrées en salle.

Douze ans plus tard, Norah (autre prénom), premier « long » du scénariste et producteur Tawfik Alzaidi, a été le premier film saoudien sélectionné à Cannes dans la section Un certain regard. Le réalisateur situe le récit de ce mélodrame minimaliste dans les années 1990, à une époque où la question de l’art et de la représentation était encore taboue dans la société. Elle l’est d’autant plus dans ce village désertique où débarque un nouvel instituteur, Nader (Yagoub Alfarhan), venu de la ville et grillant des Marlboro. Il se donne pour mission d’apprendre à lire et à écrire à une classe de garçons, dont la plupart n’envisagent d’autre avenir que de travailler au côté de leur père.

Rêve d’une autre vie

Seule la petite épicerie permet de s’évader un peu. Son patron a des antennes en ville et fait venir sous le manteau, au choix, magazines de mode, cigarettes américaines, etc. Norah fait partie de ses clientes et, le soir venu, feuillette les pages de style, découpe des silhouettes, rêve d’une autre vie. La jeune fille, qui a perdu ses parents, a été recueillie avec son petit frère par son oncle et sa tante, très conservateurs. Elle est promise à un homme dont elle ne veut pas. Et, de toute manière, elle ne souhaite pas se marier.

Un jour, son frère revient de l’école avec un portrait de lui, dessiné au crayon par Nader, pour le récompenser de ses bons résultats. A son tour, Norah demande à l’instituteur un portrait d’elle, par l’intermédiaire de l’épicier. C’est dans un recoin de la réserve que Nader s’exécute, non sans avoir refusé dans un premier temps. A travers des boîtes de conserve, il entrevoit les traits du visage de Norah derrière son voile fin, lequel ne laisse apparaître que les yeux. L’entreprise est risquée, et ne va pas manquer de créer des remous.

Tawfik Alzaidi crée un univers dépouillé, aride, où chacun des protagonistes peut s’épier d’une fenêtre ou d’un pas-de-porte − le fiancé promis à Norah guette les allées et venues de la jeune fille. Trois ou quatre maisons cubiques semblent « se regarder » en chiens de faïence, dans l’attente qu’un individu en sorte ou soulève un pan de rideau.

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