Négociations sur l’Ukraine : l’heure de l’Europe

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S’il est vrai que Donald Trump rêve du prix Nobel de la paix, comme celui qui a été décerné à son prédécesseur Barack Obama, la manière dont il vient de pour tenter de mettre fin à la guerre en Ukraine ne risque pas d’y contribuer. L’espace d’une conversation téléphonique, mercredi 12 février, le président des Etats-Unis a réhabilité un dictateur recherché pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale en le traitant d’égal à égal, jusqu’à faire miroiter des visites officielles réciproques. Les plus charitables mettront cela sur le compte d’une manœuvre de flatterie visant à amadouer un autocrate qui n’y est certainement pas insensible.

Plus difficile à comprendre est l’élimination d’entrée de jeu, annoncée par le secrétaire à la défense, Pete Hegseth, de deux leviers a priori utiles dans cette négociation : l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et le rétablissement de l’intégrité territoriale de ce pays agressé par la Russie depuis 2014. La puissance américaine officialise ainsi, sans même discuter, la modification par la force, en Europe, de frontières réputées inviolables au regard du droit international et la conquête de 20 % du territoire ukrainien par la Russie.

Il est vrai que, depuis son retour à la Maison Blanche, M. Trump a allègrement foulé aux pieds les mêmes principes du droit international, en jetant son dévolu sur le Groenland, le Canada et Panama ou en envisageant de vider la bande de Gaza de sa population palestinienne.

Une affaire européenne

Plus grave encore est la méthode avec laquelle il aborde ce processus de paix par un dialogue avec l’agresseur, en l’absence non seulement du pays agressé mais aussi de ceux qui le soutiennent et qui en subiront les conséquences. Il est clair que ces alliés européens devront prendre en charge la reconstruction de l’Ukraine et la mise en œuvre d’un accord − auquel ils ne sont pas partie.

Comme les prédateurs russes en Afrique, l’administration Trump pousse le cynisme jusqu’à se nourrir sur la bête en envisageant de s’approprier les terres rares disponibles sur le sol ukrainien en guise de dédommagement de l’argent dépensé pour contribuer à la défense du pays.

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Simplement informer le président Volodymyr Zelensky de l’évolution de la négociation ne peut pas suffire. Kiev et ses alliés doivent continuer à exiger qu’aucun accord ne soit négocié sans une authentique participation des Ukrainiens.

Quant aux Européens, l’arrogance et le mépris manifestés ces derniers jours à leur endroit par le président américain, par son vice-président, J. D. Vance, et par Pete Hegseth sont une véritable humiliation. Elle ne devrait pas les surprendre : depuis le premier mandat Trump, ils savent à quoi s’en tenir. Plus policé, son successeur démocrate, Joe Biden, a tenu une ligne similaire ; lui non plus n’était pas favorable à intégrer l’Ukraine dans l’OTAN. Dans le déni, la plupart des Européens n’ont cessé de repousser les décisions difficiles qu’exige la responsabilité de leur propre défense. Ils paient aujourd’hui ce manque de lucidité et de courage politique.

Une partie d’entre eux, dont la France, ont commencé à se ressaisir et à discuter des garanties de sécurité qu’il leur faudrait apporter à l’Ukraine. Il s’agit maintenant de relever le défi, d’intensifier cet effort commun afin de pouvoir faire pression pour être associés au processus. C’est l’heure de l’Europe. L’Ukraine est, avant tout, une affaire européenne. Une paix déséquilibrée ne ferait que prolonger la guerre et aboutir à l’ouverture d’autres fronts par la Russie.

Le Monde

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