
Des mois que le sujet aimante les gros titres. Après l’interpellation, le 22 février, en Roumanie, du narcotrafiquant Mohamed Amra, jusqu’alors le fugitif le plus recherché de France, voilà que l’Assemblée nationale étudie, depuis le 4 mars, une proposition de loi pour « sortir la France du piège du narcotrafic ».
Adopté à l’unanimité au Sénat, le texte devrait susciter davantage de débats au Palais-Bourbon. « Vantée pour son ADN transpartisan, plébiscitée par une large partie des services de police, cette proposition de loi, aux accents sécuritaires, a la particularité de fracturer le monde judiciaire : elle divise la magistrature, mais, surtout, braque la communauté des avocats pénalistes », inquiets des droits de la défense, observent les journalistes Grégoire Biseau et Thomas Saintourens, dans Le Monde du 28 janvier.
Les députés La France insoumise dénoncent aussi son caractère tout répressif. Une manière de s’opposer aux ministres de l’intérieur et de la justice, Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, qui, comme le relevait le journal à la mi-janvier, « rivalisent d’annonces musclées sur le sujet ».
« Casse-tête américain »
Il fut un temps où le narcotrafic n’était considéré que comme un phénomène lointain. Réel, mais presque exotique. Le mot apparaît pour la première fois dans Le Monde le 21 décembre 1985, dans un article intitulé « La Colombie, ou le monde à l’envers ». Correspondant en Amérique du Sud, Charles Vanhecke livre une saisissante plongée dans ce « pays où les parrains de la drogue se posent en bienfaiteurs, voire en fers de lance contre “l’impérialisme yankee” ». « Officiellement, résume-t-il, la drogue, en Colombie, est un fléau. Le président Betancur a affirmé à plusieurs reprises qu’il mènerait une lutte à mort contre les trafiquants. »
Mais Bogota manie les paradoxes. « Or, surprise ! Voici que les mots cocaïne et “narcotrafic” – comme on dit volontiers ici – cessent d’être diaboliques dans les conversations. » Au rayon des nouvelles stupéfiantes, Charles Vanhecke note que « l’un des “parrains” les plus connus, Pablo Escobar, a proposé un marché inattendu aux autorités : si vous cessez les extraditions, leur dit-il en substance, nous vous fournirons de quoi payer une partie de la dette extérieure ».
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