Magistrats et personnels de justice inquiets face à des menaces de plus en plus fréquentes

2022


Il est 23 heures. La nuit est tombée depuis longtemps sur Fort-de-France. Alors procureure de la République à la Martinique, Clarisse Taron termine sa longue journée de travail, après avoir décidé le défèrement de plusieurs criminels dans une affaire de trafic de stupéfiants. Au volant de sa voiture, elle quitte le parking du tribunal. Deux cents mètres plus loin, au feu rouge, deux grosses cylindrées l’encerclent. Casqués et cagoulés, les motards commencent à l’agresser : « On t’a reconnue » ; « On sait qui tu es. » La procureure donne un gros coup sur la pédale de l’accélérateur, grille le feu et s’échappe. Le lendemain, elle ne pense même pas à faire un signalement à sa hiérarchie. Mais après en avoir discuté avec un ami gendarme, elle se décide. « Ils ont été plus inquiets que moi », dit-elle en souriant. On lui propose alors de changer sa voiture, de couleur violette, pour un véhicule de service aux vitres teintées.

Trois ans plus tard, un jour d’octobre 2024, dans un climat d’émeutes violentes contre la vie chère, qui a conduit le tribunal judiciaire de Fort-de-France à ouvrir plus de 650 procédures et à décider de presque 150 gardes à vue, Clarisse Taron quitte le tribunal au volant de sa nouvelle voiture. Il est 13 heures, la tension sur l’île est maximum. Depuis plusieurs jours, des pochoirs sur lesquels on pouvait lire « Taron fille de pute » avaient envahi la ville. « J’en voyais tout le temps, partout », glisse-t-elle. Alors qu’elle est à peine sortie du parking, ils sont une quarantaine de personnes à se ruer sur son véhicule en criant : « Taron, on te reconnaît » ; « On va te crever. » Elle enclenche la marche arrière pour se réfugier dans le parking.

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