Madagascar et la Palestine, dans « Timbres magazine »

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L’ex-colonie française de Madagascar retient l’attention de l’historien François Chauvin dans Timbres magazine daté mars, avec sept pages consacrées aux chemins de fer et au transport du courrier avant son indépendance, un sujet auquel un site Internet est consacré auprès duquel les amateurs pourront compléter leurs connaissances.

L’auteur rappelle que l’île, d’une superficie de 587 000 kilomètres carrés, n’est sillonnée que par « quatre lignes, dont trois ont pour terminus Tananarive, [qui] s’étendent sur 859 kilomètres » en 1960.

« Elles sont desservies par des ambulants et sont en correspondance postale avec un système complexe de services maritimes côtiers, de porteur et finalement d’avions. »

Gare de Fianarantsoa, à Madagascar.

L’auteur commence par un rappel historique : aux Anglais Zanzibar, et aux Français Madagascar après un accord signé en 1890. « Le général Gallieni, devenu gouverneur général de Madagascar, est résolu à désenclaver Tananarive. »

Portage à dos d’homme ou en filanzane (chaise à porteurs), timbre de Madagascar.

Le portage à dos d’homme ou en filanzane (chaise à porteurs), précède l’ouverture de la route de l’Est en 1902… en attendant la construction de la ligne de chemin de fer Tananarive à la côte Est (TCE) lancée en 1901… Après la mise en service de tronçons, « le 1er octobre 1909, un premier convoi parti de la côte parvient à Tananarive » via le canal des Pangalanes avant que la voie ne soit prolongée jusqu’à Tamatave (Tomasina).

Le canal des Pangalanes, à Madagascar (carte postale ancienne).

Puis c’est au tour de diverses lignes de voir le jour, vers Antsirabe, le lac Alaotra (Ambatondrazaka), ou le Fianarantsoa Côte Est (FCE), jusqu’au port de Manakara. « Un bureau de poste ambulant circule sur chacune des lignes de chemin de fer. »

Entier postal sur lettre (timbre portage à dos d’homme ou en filanzane) avec en illustration, en haut à gauche, un « tsimandoa » (porteur) de sacs de courrier. Au verso, mention bilingue « Il est interdit d’insérer (...) et des valeurs payables au porteur »/« Raràna ny mandefa (...) ».

Les wagons spéciaux dévolus à cet effet « sont chargés de la réception, de l’escorte et de la livraison des dépêches postales échangées par les bureaux des localités desservies par chemin de fer », ce qui comprend la levée des boîtes aux lettres des gares, l’acheminement des correspondances, etc. frappées du timbre à date spécial de la ligne.

Gare de Tananarive (carte postale ancienne).

Au-delà des gares, le courrier est transporté par chaloupes à vapeur sur quelques fleuves côtiers et sur le canal des Pangalanes, par voiture et à dos d’homme ! François Chauvin dispose même des informations concernant ce dernier mode de transport pédestre : pas plus de 20 kg, 20 à 25 jours de marche par mois, « afin de s’attacher les porteurs, l’administration procède à du recrutement régional qui, en ne dépaysant pas les hommes, leur permet de résister au climat de la région d’affectation », etc.

« Tsimandoa », porteur de courrier, timbre de Madagascar émis pour la Journée du timbre 1973, dessiné et gravé par Pierre Béquet.

Au fil des années 1930, « l’achèvement de pistes carrossables permet le transport du courrier par voitures à mulets », plus rapide que le transport par bourjanes (qui portent la filanzane). Le réseau desservi par les « tsimandoa » (porteurs) passe ainsi de plus de dix mille kilomètres en 1932 à 8 227 kilomètres en 1937. L’auteur de conclure que « la relative modestie des moyens mobilisés puis l’irruption du routier et de l’aérien ont eu raison des ambitions de départ » ferroviaires qui prévoyaient au départ d’équiper Madagascar de 1 400 kilomètres de voies métriques et jusqu’à 850 kilomètres en 0,60 mètre…

« Popularité de Mickey »

Timbres-poste (« Transport en filanzane », de 1908 à 1927), cartes postales, marques postales et courriers illustrent cette période, comme ce pli par avion pour Dinan, posté par un officier du cargo mixte Ville de Metz, en escale à Tamatave : il porte l’oblitération de l’ambulant « Tamatave Tananarive N° 1 » du 13 avril 1940, puis une marque de transit « Tananarive RP » du 14 avril, avec un cachet d’arrivée à Dinan, le 22 avril 1940.

Enveloppe souvenir du cinquantenaire de la ligne de chemin de fer Tananarive à la côte Est (TCE), en 1959.

Thématique ensuite, avec la première partie d’une étude sur les entiers postaux (les prêts à poster) sur le cinéma, et en particulier les dessins animés. Walt Disney (1901-1966) est à la fête ! Mickey, « apparu dans un tout premier film en 1928, Steamboat Willie » que l’on retrouve sur des timbres de Guinée-Bissau ou de Djibouti, illustre un entier postal japonais.

Bloc timbré paru en 2024 de Guinée-Bissau sur « Steamboat », première apparition de Mickey au cinéma.

« La popularité de Mickey, signale l’auteur, lui a valu d’être représenté sur des dizaines d’entiers un peu partout dans le monde. » Tout comme Pluto, Minnie, Donald, etc. aux Etats-Unis, en Australie, au Brésil, au Portugal, jusqu’en France, sur des cartes postales ou des enveloppes. « A Hongkong, le parc d’attractions Disneyland ouvert en 2005 fut promu par une série de quatre cartes postales prétimbrées. »

Mickey et Minnie, côté vue d’un entier postal (carte postale prétimbrée) des Etats-Unis.
Mickey et Minnie, côté correspondance d’un entier postal des Etats-Unis.

Au Japon encore, « les thématistes les plus endurcis pourront tenter de dénicher les cartes postales prétimbrées que l’on peut obtenir à la sortie du parc Disneyland [à Urayasu, préfecture de Chiba] [personnalisées] avec une photo rappelant le passage de la famille et donnant même le droit de participer à une loterie ».

Walt Dinsey, timbre américain émis en 1968.

Entiers postaux encore, Jean-Louis Emmenegger, par ailleurs rédacteur en chef du trimestriel helvétique Rhône Philatélie, part à la découverte des aérogrammes, « aujourd’hui très prisés en Asie et en Afrique, un peu moins en Europe ».

L’auteur explique que « c’est à un Anglais, Sir Douglas William Gumbley, que l’on doit l’invention du premier aérogramme (…). Sir Gumbley déposa son brevet à Londres le 15 février 1933. Il est à la fois l’inventeur et le designer de la première AIR MAIL/LETTER CARD : c’est le nom qui apparaît sur le premier aérogramme du monde. Affranchie à 15 mils, pesant 4 grammes, elle fut émise le 15 juillet 1933 », en Irak, où Sir Gumbley officiait comme inspecteur général des postes et télégraphes. Le timbre pré-imprimé marquant le port du formulaire figurait le portrait du roi Faysal Ier (1885-1933, roi de 1921 à sa mort).

Premier aérogramme (« AIR MAIL/LETTER CARD ») paru en Irak en 1933. Compter 200 à 300 euros sur les sites de vente spécialisés, selon l’état.

L’idée du fonctionnaire était de mettre en vente un objet de correspondance en papier léger, « qui puisse être simplement plié, collé et envoyé, sans avoir besoin d’une enveloppe pour y glisser le message », permettant ainsi à l’avion d’en transporter davantage…

Le site des entiers postaux français précise que « c’est le Congrès de Bruxelles de l’Union postale universelle (UPU) de mai 1952 qui lui attribua son nom définitif “AÉROGRAMME” (en français, langue officielle de l’UPU), nom qui devra obligatoirement être imprimé sur toute enveloppe-lettre par avion à compter du 1er juillet 1955. Destinée à voyager par la voie aérienne, rien ne doit y être inséré ».

De nombreux pays suivirent l’exemple irakien. M. Emmenegger précise que les collectionneurs classent les aérogrammes en plusieurs catégories, comme les aérogrammes « courants », « pour militaires », certains d’entre eux bénéficiant de la franchise postale. Il existe de curieux aérogrammes de Noël, émis par la poste anglaise, des aérogrammes surchargés « spécimen », des aérogrammes « touristiques », agrémentés de photos, des aérogrammes pour le courrier intérieur (pour les grands pays comme l’Inde), etc.

« En France, le nombre d’aérogrammes (…) est d’un peu plus d’une vingtaine (…). Le premier fut mis en vente le 23 juin 1969, soit assez tardivement, c’est le 1001-AER Concorde. »

Enfin, certains pays n’en vendent plus, comme l’Allemagne ou l’Autriche…

« Partie de l’Empire ottoman »

Quand l’histoire postale rime avec l’actualité… Alain Berrebi, de l’Amicale philatélique France-Israël de Toulouse (Apfit), s’intéresse à la poste française en Palestine, et au bureau de poste de Jaffa en particulier.

« La Palestine, jusqu’à la première guerre mondiale, fait partie de l’Empire ottoman. Les Turcs ne créent leurs propres timbres qu’à partir de 1863 ; ils sont en usage jusqu’en 1917. Cependant (…), les différents pays européens négocient l’autorisation d’ouvrir, dans les principales villes ottomanes, des bureaux postaux permettant aux pèlerins et aux commerçants de leur pays de communiquer. »

Auparavant, à partir de 1799, la France commence à ouvrir des bureaux de poste à l’étranger, en particulier au Levant : à Constantinople (1799), Alexandrie (1830), aux Dardanelles (1835)… « Entre 1837 et 1931, la poste française ouvre près de cinquante bureaux dans l’Empire ottoman », dont l’existence peut durer plus de cent ans (Alexandrie), une activité soutenue par le développement du commerce et de la marine à vapeur.

Le port de Jaffa, « à la fin du XIXe siècle, devient la ville principale du sionisme palestinien », explique Alain Berrebi. Et donc, on y trouve des bureaux de poste étrangers – d’autant que de nombreux juifs d’Europe centrale et orientale s’y installent –, parmi lesquels un bureau français, en 1852, autrichien (1854), russe (1857), allemand (1898), etc.

Jaffa, lettre de 1873 pour les Etats-Unis, vendue 1000 euros chez David Feldman en 2017 (https://www.davidfeldman.com/dfsa-auctions/2017-december-eur/levant-franais/30152/palestine-french-levant-offices-jaffa-lettre-pour/?soff_session_page=4&soff_query_hash=d45976b3d23fba7480d90a5d99462a8a).

Des timbres français sont utilisés de 1854 à 1885, aux types « Cérès », « Paix et commerce » (« Sage »), puis, à partir de 1885, les timbres français sont surchargés en paras et en piastres, la monnaie locale, jusqu’en 1902, date à laquelle des timbres aux types « Blanc », « Mouchon » et « Merson » sont imprimés avec un cartouche « LEVANT », « les plus fortes valeurs au type “Merson” [étant] surchargées en piastres ».

Jaffa, lettre au 2e échelon de poids de Jérusalem pour Paris avec 20 centimes bleu + paire de 40 centimes bistre « Empire » dentelés, cachet à date de Jaffa du 4 juin 1865, croix potencée de Jérusalem en bleu, transit par Alexandrie le 5 juin et arrivée le 16 (cachets au dos). Mise à prix : 1 600 euros chez David Feldman en 2017 (lot invendu).

« Le bureau français de Jaffa est progressivement débordé : depuis 1880, [il] a l’ordre de transmettre à la poste ottomane tout le courrier dont il ne peut assurer lui-même la distribution (…). D’où l’idée de créer un bureau de poste à Jérusalem » en 1900, puis à Haïfa, en 1906.

Le bureau de poste de Jaffa, comme tous les bureaux ouverts dans l’Empire ottoman qui est du côté de l’Allemagne, ferme en 1914, peu après le début de la guerre. « En 1921, un service postal est rétabli avec des timbres de France aux types “Semeuse” et “Merson” » surchargés en piastres.

L’article est enfin illustré d’une douzaine de marques postales et d’oblitérations du bureau de poste français de Jaffa entre 1852 et 1910.

Quelques informations relevées au fil des pages :

Saint-Pierre-et-Miquelon, timbre d’usage courant paru en 2016.

– Dans le courrier des lecteurs, un collectionneur signale « l’émission à Saint-Pierre-et-Miquelon d’un timbre d’usage courant au type “Carte” et qui ne figure pas dans les catalogues. Il s’agit du 1 centime bleu, numéro 1151 au catalogue Yvert et Tellier, émis en 2016. Il a fait l’objet d’un nouveau tirage le 7 février 2024. Le timbre affiche bien le millésime 2024. Il a été mis en vente le 14 février 2024 ». Une info complétée par le mensuel, qui précise que ce nouveau timbre a été tiré à 50 000 exemplaires, soit 500 feuilles de 100 timbres. « La commande a été totalement livrée à La Poste de Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est la raison pour laquelle Philaposte ne le commercialise pas (…). L’épuisement du stock serait dû à la vente lors du dernier Salon philatélique d’automne, à Paris. »

Saint-Pierre-et-Miquelon, réimpression en 2024 du timbre d’usage courant paru en 2016.

– La poste autrichienne a émis un bloc timbré pour le 150e anniversaire de son réseau pneumatique à Vienne. « A une profondeur d’environ un mètre, des tuyaux d’un diamètre de 65 millimètres ont été posés, à travers lesquels des lettres, des cartes postales et des télégrammes dans des capsules métalliques étaient transportés sous pression d’air (…). A son apogée, en 1913, le réseau comprenait 53 stations sur plus de 80 km. Les dégâts causés par la seconde guerre mondiale (…) ont conduit à l’arrêt du système en 1956. » En France, le réseau pneumatique, instauré en 1868, a été abandonné en 1984.

Bloc timbré autrichien paru en février pour le 150e anniversaire du service pneumatique de Vienne.

– La chronique « les bavardages d’Aristote » rapporte quelques données fournies par un rapport de la Fédération des associations philatéliques européennes (FEPA) sur « la diminution du nombre d’associations philatéliques actives » : depuis 2013, « de 4 859 associations (pour 38 pays), on est passé à 3 014 en 2024. Et leurs 190 674 membres sont devenus 95 354. On peut citer le Royaume-Uni qui comptait 300 associations (20 000 membres) en 2013 et qui est passé à 212 associations et 10 000 membres (…). Quant à la France, elle comptait 630 associations fédérées et n’en compte plus que 550. Et ses membres sont passés de 30 000 à 16 500 ». Avant d’espérer « une approche innovante de la philatélie »… Un vœu pieux.

Parmi les autres sujets traités dans ce numéro :

– « Moniteur des fils, des tissus », un bimensuel avec timbre et surcharge typographique relié en 1869-1872, par Didier Galagain.

– « Essais privés des encres fluorescentes et phosphorescentes » sur vignettes expérimentales de France au type « Palissy » (HELNA/SIRAL), par Gérard Gomez.

« Guadeloupe, 1 franc olive au type “Groupe” surchargé 40 : découverte d’une nouvelle composition », par Patrick Bonnel et Stéphane Buchheit.

Devanture des magasins Dufayel, carte postale ancienne.

– Cartophilie : « Dufayel, un grand magasin populaire », de 1869 à 1930, par Danielle Lacroix. Des cartes qui valent d’environ 3 euros (cartes intérieures du magasin, « très courantes ») à 100 euros pour les plus rares cartes de grèves.

« Répertoire des [oblitérations] Daguin des bureaux français : le département du Puy-de-Dôme », par Michel Hervé.

« Timbres magazine », mars 2025, n° 275, 108 pages. En vente en kiosques (6,90 euros), ou par correspondance (2, rue de l’Etoile, CS 79013, 80094 Amiens Cedex 3). Tél. : 03-22-71-71-87. Courriel : sbelvalette@yvert.com. Rédaction en chef : michelmelot@timbropresse.fr. Version numérique ici.

« Timbres magazine », mars 2025, n ° 275, 108 pages. En vente en kiosques (6,90 euros).
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