L’université de Columbia, foyer étudiant du mouvement propalestinien

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La Cocotte-Minute qu’était devenue Columbia ces derniers mois a fini par exploser. Fidèle à sa réputation de frondeuse, la prestigieuse fac new-­yorkaise a lancé un vent de révolte étudiant en soutien aux Palestiniens mais termine l’année plus fracturée que jamais. Tout semblait pourtant sous contrôle, ce mercredi 17 avril. L’échéance était cochée de longue date dans l’agenda de la présidente de l’université, Nemat Shafik, qui se fait appeler Minouche Shafik.

Elle était attendue à Washington pour être entendue par une commission de la Chambre des représentants sur les allégations de propos antisémites tenus sur les campus en marge des manifestations contre la guerre à Gaza, déclenchée à la suite de l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre. L’économiste d’origine égyptienne a eu tout loisir de préparer son audition pour ne pas tomber dans le même piège que ses collègues de Harvard, Claudine Gay, et de l’université de Pennsylvanie, Elizabeth Magill, qui se sont empêtrées sur le sujet et ont fini par démissionner.

Brushing impeccable, tailleur bleu nuit et lunettes sur le nez, Minouche Shafik choisit d’axer son message sur la lutte contre l’antisémitisme. « Je m’engage personnellement à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour l’affronter directement », affirme-t-elle, allant jusqu’à évoquer des décisions disciplinaires spécifiques. Face aux représentants, elle donne le sentiment d’avoir résisté au rouleau compresseur d’élus républicains qui cherchaient la faute, mais, en interne, son discours a été mal vécu et des professeurs l’accusent de n’avoir défendu ni la liberté d’expression ni la liberté académique. « C’était un cataclysme !, réagit Marcel Agüeros, trésorier de l’Association américaine des professeurs d’université de Columbia. Elle a vendu la fac ! Elle a complètement accepté tous les termes dictés par les républicains. »

La présidente de l’université Columbia, Minouche Shafik, lors de son audition à la Chambre des représentants, à Washington, le 17 avril 2024.

Ces quelques mots ne sont qu’un échantillon de la tempête qui ne va pas tarder à s’abattre sur ce campus tentaculaire fréquenté par plus de 36 000 élèves. Membre de la très sélecte Ivy League, Columbia est l’une des plus anciennes écoles du pays. Y étudier est un privilège à plus d’un titre : les frais d’inscription s’élèvent à 68 000 dollars par an, près de 90 000 dollars en comptant le gîte et le couvert.

Des tentes pour Gaza

Minouche Shafik a à peine terminé son audition que le campus est déjà en ébullition. Avant que le jour ne se lève, une petite troupe a planté des tentes sur l’une des deux moelleuses pelouses de Morningside Heights, le principal site de l’établissement à New York. Coincé entre l’Upper West Side et Harlem, au nord-ouest de Manhattan, le lieu est composé d’un parvis majestueux, entouré de vastes bâtiments de brique rouge et de deux imposants édifices aux colonnes ioniques. Le gazon, occupé dans le calme, devient le « Campement de solidarité avec Gaza ». Les jeunes ne le savent pas encore, mais ils viennent d’initier un mouvement de contestation qui va s’étendre aux quatre coins du pays, et même au-delà, à l’Europe.

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