Louis Pasteur et les antivax, un combat politique

2744


On célèbre l’anniversaire du déclenchement du Covid-19 en ce moment. Tout au long de ces cinq années, les historiens des sciences n’ont pas été en reste pour tirer les leçons de l’épidémie. Certains ont remis en cause un modèle de mondialisation des sciences, avec des critiques particulièrement vives autour du thème de la santé globale, ou se sont interrogés sur les pratiques épidémiologiques des gouvernements et la pluralité des régimes de savoirs et d’action.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Deux siècles après, l’esprit de Louis Pasteur toujours contagieux

Certains sont allés encore plus loin en réclamant un projet de santé planétaire plus connecté avec les contextes locaux ou avec les pratiques médicales traditionnelles. D’autres chercheurs ont attaqué les modélisations mathématiques produites par l’université américaine Johns Hopkins et l’Imperial College de Londres, en rappelant les valeurs d’un « scepticisme organisé » qui est censé structurer la communauté scientifique.

Enfin, de nombreuses voix se sont élevées contre une « persona » scientifique portée par les réseaux sociaux, souvent antiélitiste et populiste, et apparaissant en contradiction avec l’éthique de la modestie et de l’humilité épistémique. Si on a souvent fait la chronique de ces réflexions épistémologiques durant cinq ans, on n’en avait pas encore évalué les effets sur le travail d’enquête historique à proprement dit.

Il en est ainsi du livre Pasteur et les antivax (Agone, 336 pages, 20 euros) récemment publié par Jean-Luc Chappey, professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, spécialiste des sciences sous la Révolution française, qui se propose de rouvrir le dossier des relations entre Louis Pasteur et ses opposants. Alors que le bicentenaire de sa naissance, en 2022, a donné lieu à une moisson très riche d’études, de biographies, d’expositions, cette enquête explore le versant obscur de la commémoration en interrogeant la nature même des critiques.

Une affaire d’Etat

Entre le succès, en 1885, de la vaccination de l’homme contre la rage et la création de l’Institut Pasteur, à partir de 1888, la consécration révèle les liens politiques entre la jeune République et la médecine, fer de lance d’un nouvel Etat-providence. Certes, la vaccination a toujours été en France une affaire d’Etat, si l’on se souvient des épisodes d’inoculation contre la variole du XVIIIe siècle ou durant la période napoléonienne, et a toujours nourri la méfiance du public.

Il vous reste 47.83% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link