« L’impératif du cas par cas est d’autant plus grand que les attentes des patients âgés ne sont pas toujours faciles à prendre en compte »

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Dans le champ de la fin de vie en France, toute l’attention est actuellement portée à la création et aux modalités d’une loi concernant une aide active à mourir. Il s’agit d’une décision cruciale, mais elle ne suffit pas à rendre compte de la complexité des différents parcours de soins. La spécificité de la fin de vie des personnes vieilles invite à questionner leur accompagnement, en insistant sur l’utilité d’une réflexion au cas par cas et pluridisciplinaire.

Dans la vieillesse, en effet, il est extrêmement difficile de savoir dans quel délai le pronostic vital est engagé. Bien accompagnées, les personnes peuvent vivre plusieurs années sans qu’il y ait d’épisode aigu inquiétant. Une chute, une infection pulmonaire, une déshydratation ? Rien que la médecine ne sache résoudre facilement. Ce temps long rompt avec les limites habituelles entre la « fin de la vie », à embellir autant que possible, et la « fin de vie », à reconnaître pour mieux l’accompagner. D’autant plus que le ralentissement cognitif des personnes peut faire douter de leur parole, rendant l’évaluation de leur souffrance périlleuse.

Dans les pays où l’aide active à mourir est autorisée, la loi ne tient pas compte de cette spécificité gériatrique. Pour avoir droit à cette aide, il faut présenter un problème médical mettant en jeu le pronostic vital et/ou une souffrance insupportable. Même dans les pays où les personnes vieilles peuvent y accéder – soit au motif d’une pathologie grave et incurable (en Belgique), soit en ayant rédigé des directives anticipées pour le jour où elles ne seraient plus capables de faire des choix pour elles-mêmes (aux Pays-Bas) –, aucune législation ne permet à des personnes d’être aidées activement à mourir au seul motif qu’elles sont « fatiguées de vivre ». Par ailleurs, aucune loi ne peut assurer à un individu que sa demande, même légale, sera pleinement respectée.

Si leur mort leur a ressemblé

Ni les lois ni les recommandations de bonnes pratiques n’épuisent donc la nécessité de réfléchir au cas par cas. Cet impératif est d’autant plus grand que les attentes des patients ne sont pas toujours faciles à prendre en compte.

Prenons le cas de Jacques, 95 ans. Troubles de la vision et de la marche, troubles cognitifs débutants, son état l’empêche de vivre comme il le désire. Il rejette l’idée de finir sa vie dépendant en Ehpad, où il a dû aller. Il décide de mettre en œuvre un désir profond, et plusieurs fois déclaré à son entourage, de partir en Suisse pour y obtenir un suicide assisté. Les soignantes qui l’entourent mettent tout en œuvre pour l’en dissuader et l’habituer à sa nouvelle vie. Le certificat demandé par la Suisse pour étudier sa demande lui est d’abord refusé. Jacques finit par renoncer à ce projet, et meurt quelques mois plus tard sans avoir pu choisir les conditions de sa fin de vie.

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