Le 12 septembre 1950, lors d’une rencontre avec ses homologues français et anglais, le secrétaire d’Etat américain Dean Acheson [de 1949 à 1953 dans l’administration Truman] déclare : « Je veux des Allemands en uniforme pour l’automne 1951. » Cinq ans après la défaite du nazisme et la fin de la seconde guerre mondiale !
De fait, une armée européenne – avec Allemands en uniforme – sera mise en place… sur papier : selon le protocole militaire annexé au traité de la Communauté européenne de défense signé en 1952, cette armée sera composée de forces terrestres (groupement d’infanterie de 13 000 à 15 600 hommes, groupement blindé de 12 700 à 14 600 hommes, groupement mécanisé de 12 700 à 14 700 hommes), en plus de forces aériennes (de 1 300 à 2 000 hommes) et de forces navales. La Communauté européenne de défense doit être accompagnée d’une Communauté politique européenne. Son échec en 1954 entraînera celui de l’intégration politique.
Pourquoi ce rappel ? Pour formuler une question sans doute trop peu posée en Europe aujourd’hui : pourquoi une telle armée européenne n’a-t-elle jamais existé ? A entendre les débats politiques actuels, il est surtout question des dépenses de défense en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), de financement des armements, de soutien à l’industrie militaire… Mais est-ce parce qu’il manquerait 1 % ou 2 % du PIB qu’il n’y aurait pas d’« Europe militaire » ? Bien sûr que non.
Quel est le diagnostic à poser ? Il n’y a pas d’armée européenne car il n’y a pas de commandement suprême des forces européennes qui obéirait à une politique étrangère intégrée, fédérale, de l’Union européenne (UE). En d’autres termes, le problème est politique avant d’être militaire. La question est moins de se doter d’un outil que d’une vision stratégique commune qui transcenderait celle des Etats membres. Ce problème n’a jamais été résolu, et il n’est visiblement pas près de l’être. Comment l’expliquer ? Rien n’a-t-il donc été accompli en trois quarts de siècle ?
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