L’envie irrépressible de rentrer au pays et au plus vite, si ce n’est déjà fait. C’est ce qui ressort d’une large majorité des entretiens menés, depuis la prise d’Alep par les islamistes insurgés ces derniers jours, auprès d’une dizaine de réfugiés syriens installés sur le sol turc. Joints par téléphone, quasiment tous envisagent un départ à plus ou moins court terme pour le nord du pays, même ceux originaires de territoires encore détenus par les troupes fidèles au régime de Bachar Al-Assad.
D’abord, il y a eu les premières images du centre d’Alep libéré par la faction islamiste radicale Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) et ses alliés, suivies dès le 4 décembre des premières vidéos de familles syriennes sur la route du retour. L’une d’elles, diffusée sur X et montrant une jeune lycéenne, portant lunettes et voile, tout sourire, est rapidement devenue virale, avec 675 000 vues. Installée depuis sept ans à Hatay, dans le sud de la Turquie, la jeune femme dit dans un turc impeccable que sa ville a été « sauvée » et qu’avec toute sa famille, huit personnes, elle retourne dans son pays, remerciant, d’un trait, « toute la Turquie pour son accueil ».
Installé en 2010 à Bursa, Ahmed (les personnes citées par un prénom ont requis l’anonymat), la quarantaine, titulaire d’un statut de protection spéciale – un droit d’asile temporaire accordé par Ankara après le déclenchement de la guerre civile en 2011 et aujourd’hui accordé, selon les derniers chiffres officiels, à près de 3 millions de Syriens –, a vu toutes ces vidéos. Depuis le déclenchement du soulèvement, le 27 novembre, il ne quitte plus des yeux l’écran de son téléphone.
« Des informations encourageantes »
Cet homme, originaire d’Alep, fait également part de sa grande satisfaction : « Le HTC n’est vraiment pas ma tasse de thé, mais ses dirigeants semblent avoir changé ces dernières années, ils ont l’air plus expérimenté. Et les informations qui nous parviennent par nos réseaux sont suffisamment encourageantes pour préparer les valises. Le fait qu’il n’y ait plus de militaires du régime, que des policiers soient désormais déployés et aussi les casques blancs [de la défense civile syrienne] est rassurant. » Il dit vouloir partir dans les prochaines semaines.
Mahmoud Bitar, Syrien de Damas, est également enthousiaste à l’idée d’un retour mais affirme vouloir d’abord attendre la fin des études de ses enfants. « Je partirais demain s’ils avaient leur diplôme en poche, et donc j’attends », assure-t-il. Exilé à Hatay avec sa famille avant de déménager à Tekirdag, à l’ouest d’Istanbul, ce consultant, fin connaisseur de la communauté syrienne, est convaincu de la sincérité de l’engagement de ses coreligionnaires. « Tout va très vite en Syrie, et la vie est devenue trop dure ici : le coût de la vie, toutes ces procédures de plus en plus contraignantes, un statut suspendu à chaque renouvellement, sans oublier les pressions et tous ces partis politiques qui utilisent les réfugiés pour gagner des voix. L’opposition n’a-t-elle pas placardé sur les panneaux publicitaires qu’“il est temps maintenant de rentrer en Syrie” ? »
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