« Les soldats sont très nombreux, très jeunes et pas très bien encadrés »

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Une soldate israélienne pose pour une photo prise par un autre soldat sur une position à la frontière de la bande de Gaza, dans le sud d’Israël, lundi 19 février 2024.

Analyste pour le groupe de réflexion International Crisis group sur Israël-Palestine, Mairav Zonszein couvre la politique intérieure israélienne, les relations avec les Palestiniens et les conséquences régionales du conflit israélo-palestinien.

Comment expliquer les abus, notamment les pillages, filmés dans les vidéos ? Est-ce parce que le profil des soldats a évolué ?

L’armée a changé ces vingt dernières années, 20 % des commandants sont issus des colonies de Cisjordanie occupée. Mais cela ne veut pas dire que ce sont eux qui commettent des pillages. L’armée est devenue plus nationale, religieuse et de droite, à l’image de la société israélienne, et l’attaque du 7 octobre 2023 [par le Hamas] n’y a rien changé.

C’est peut-être un état d’esprit : quand on considère que des colonies sont légales, alors qu’est-ce qui est illégal ?

Des pillages avaient déjà été constatés pendant la guerre de 2014 entre Israël et le Hamas à Gaza. Mais le fait de retrouver les documents de ces exactions sur les réseaux sociaux confirme que cela semble très répandu. Selon les témoignages des soldats, en coulisses, le phénomène est même encore plus important. A tel point qu’Herzi Halevi, le chef d’état-major israélien, a été obligé de faire un rappel à l’ordre auprès de ses commandants le 20 février.

Cela a-t-il eu un effet ? Les vidéos continuent d’affluer…

C’est étonnant, quand on connaît l’armée israélienne, pour qui l’image et la communication sont si importantes… Du coup, ces vidéos ressemblent à une anomalie.

Pourtant, les réponses des responsables de l’armée israélienne ne sont pas très claires. Certains disent que la diffusion est trop difficile à contrôler. D’autres que c’est à cause des réservistes qui partent en permission. Il y a un sentiment de laisser-faire. Peut-être parce que l’armée considère que ce phénomène fait partie de la guerre psychologique. Ou que cela ne cause pas vraiment de problème. Ou peut-être est-ce à cause du sentiment d’impunité qui règne en ce moment en Israël.

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En général, les officiers se contentent de dire qu’il faut arrêter ces pillages et ces exactions, mais ne disent pas ce qu’ils entreprennent comme actions concrètes pour les empêcher. Si c’était important pour eux de le faire, ils le feraient.

C’est comme s’il y avait deux canaux : l’un officiel, plus soigné, l’autre officieux, plus brutal…

Cela y ressemble. Cela permet aussi de fournir à l’armée israélienne une porte de sortie, de se dédouaner en pointant des comportements individuels plutôt qu’une attitude généralisée.

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