« Les silences autour de Bétharram en disent long sur le problème de la France à l’égard des droits de l’enfant »

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Marion Cuerq a vécu treize ans en Suède, où elle a étudié la sociologie de l’enfance et les droits de l’enfant et enquêté sur les pratiques des parents et des professionnels. Elle en a tiré un livre, Une enfance en nORd (Marabout, 2023), où elle examine les différences sociales et culturelles entre la France et la Suède dans la relation aux enfants et s’engage pour les droits de l’enfant.

Comment analysez-vous le silence de près de cinquante ans autour des violences commises au sein de l’établissement d’enseignement catholique de Bétharram ?

Ce long silence me révolte mais il ne m’étonne pas. Il est le symptôme d’une banalisation de l’humiliation et de la punition des enfants qui reste encore très présente dans la culture française. Des parents ont choisi de placer leurs enfants à Bétharram parce qu’ils savaient que la discipline y était dure et que leurs enfants y seraient « tenus ». Beaucoup demeurent persuadés que la culture de la punition est une garantie de la réussite de l’enfant, sans avoir bien conscience qu’elle est un terreau propice aux maltraitances. Les silences autour de Bétharram en disent long sur le problème de la France à l’égard des droits de l’enfant.

Vous défendez l’idée d’un continuum des violences faites aux enfants, comme cela existe pour les violences faites aux femmes dans les études féministes. Que recouvre cette notion ?

Cette idée, importante dans les travaux féministes, établit un lien entre les actes et paroles sexistes, le harcèlement et les violences physiques et sexuelles. Elle est également utile pour comprendre l’ampleur des violences commises sur les enfants, et leur banalisation, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles. Elles trouvent toutes leur origine dans une même posture verticale, hiérarchique : l’enfant appartient à l’adulte, il en fait son objet. La pédocriminalité et tout particulièrement l’inceste sont des crimes de domination avant d’être des crimes sexuels.

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