les professeurs d’histoire, en première ligne face aux tensions de la société

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Lors de la cérémonie d’hommage à Samuel Paty, au lycée Algoud-Laffemas, à Valence (Drôme), le 14 octobre 2024.

« Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants. (…) Ils sont français et doivent connaître la France, sa géographie et son histoire, son corps et son âme. » Cette lettre de Jean Jaurès aux instituteurs a résonné dans la cour de la Sorbonne, le 21 octobre 2020, lue par Christophe Capuano, un ancien camarade de Samuel Paty. Cinq jours plus tôt, le vendredi 16 octobre, ce professeur d’histoire de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) était assassiné par un terroriste islamiste, après avoir été victime d’une cabale mensongère à la suite d’un cours sur la liberté d’expression.

Le rapport organique entre l’histoire, la géographie et la construction citoyenne a donné une place particulière au professeur d’histoire-géographie depuis les origines de l’école républicaine. Le meurtre de Samuel Paty, il y a tout juste quatre ans, renforce le constat. Les concours de recrutement en histoire et en géographie, alors même que la profession de professeur connaît une crise endémique des vocations, continuent à faire le plein.

Les étudiants ont toujours envie d’enseigner l’histoire, malgré le traumatisme. « Combatifs », « engagés », « d’excellent niveau », les formateurs et inspecteurs qui aiguillent au quotidien les jeunes enseignants d’« histoire-géo » sont dithyrambiques. « Dans ma génération, on est entrés dans le métier sans savoir qu’on pouvait en mourir. Eux le savent, résume François Da Rocha, enseignant dans un lycée de Roubaix et coprésident de l’Association des professeurs d’histoire-géographie (APHG). Ceux qui sont arrivés après le meurtre de Samuel Paty ont la “foi” chevillée au corps et sont encore plus prêts à partir au front. »

Les premiers concernés tiennent à tempérer ce côté missionnaire. La « sidération » qui a frappé la profession est réelle. Mais l’on parle d’« émotion », pas de « fébrilité ». Etre en première ligne pour parler de laïcité, de racisme et d’antisémitisme – des sujets abordés en cours d’enseignement moral et civique (EMC), dont les professeurs d’histoire-géographie ont la charge –, de l’histoire de l’islam et de celle de l’esclavage, répondre aux questions sur l’actualité a toujours fait partie du métier. Donc des raisons pour lesquelles on le choisit.

« Une fonction encore perçue comme noble »

« L’idée qu’être prof d’histoire constitue un danger est une chose dont on a conscience, résume un professeur stagiaire parisien qui enseigne depuis un an et ne souhaite pas donner son nom. Mais ce statut particulier fait partie des raisons pour lesquelles on le devient. Nous aussi, on a eu des profs d’histoire qui nous permettaient de comprendre le monde. » La mort de Samuel Paty a mis en lumière l’extrême vulnérabilité de l’institution face à la menace islamiste, mais elle n’a pas terni son image. « Former des citoyens et leur permettre de penser par eux-mêmes est une fonction encore perçue comme noble », estime Kamel Chabane, formateur et enseignant en histoire-géographie dans un collège du 13e arrondissement de Paris.

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