De l’avis unanime des personnes concernées et des acteurs de l’accueil et de l’apprentissage du français, l’accès à la langue du pays où l’on vit est essentiel pour l’inclusion et la cohésion sociale. Pouvoir communiquer librement, c’est pouvoir exister en tant qu’être social, être respecté dans sa singularité, et pouvoir entrer pleinement dans la vie de citoyens.
On peut pourtant observer aujourd’hui une injonction contradictoire de l’Etat : alors que la loi « immigration » de janvier 2024 durcit les obligations de niveau de français pour l’obtention de titres de séjour, le gouvernement ne prévoit pas d’améliorer en conséquence les formations en français prescrites par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Au contraire, en avril 2024, des restrictions budgétaires ont même été imposées par l’Etat sur ces formations. Elles entraînent aujourd’hui le report de très nombreuses entrées en formation pour les personnes migrantes. Ces restrictions vont avoir un impact fort sur la vie quotidienne, professionnelle et administrative de milliers de personnes.
Moins de moyens
De leur côté, les organismes de formations et les associations de proximité, au vu de l’augmentation des demandes d’accompagnement et de la baisse constante du soutien financier de l’Etat, sont de plus en plus mis en difficulté pour offrir aux personnes de bonnes conditions de formation.
Plus d’exigence avec moins de moyens : voici la recette de l’échec annoncé de la politique d’intégration par la langue de l’Etat. Loin d’être à la hauteur des enjeux de son époque, cette vision n’aura pour effet que d’augmenter la précarité et d’élever des murs linguistiques entre des personnes vivant sur un même territoire.
Pour redonner à l’apprentissage du français son rôle majeur de vecteur de cohésion sociale, un changement de paradigme des politiques publiques en la matière est nécessaire, pour affirmer un droit d’accès pour toute personne à des actions d’apprentissage de la langue, dès l’arrivée sur le territoire des personnes migrantes, sans que cet accès soit soumis à une obligation conditionnant leur présence en France.
Une dépendance subie
Cet apprentissage devrait notamment être facilité et soutenu par l’Etat dès le dépôt de la demande d’asile. De six mois à plus d’un an, le temps d’attente de la réponse à la demande d’asile sans pouvoir ni apprendre le français, ni se former, ni travailler, compromet les perspectives d’une inclusion réussie en plaçant les demandeurs d’asile dans une inertie et dans une dépendance subie aux aides de l’Etat. Cette période ouvre pourtant un espace propice à l’apprentissage du français. Cet état de fait est contraire au bon sens pour qui se soucie de la bonne utilisation des deniers publics, comme de l’intégration des personnes en situation régulière.
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