Les tubes s’enchaînent sur les ondes de Radio Décibel dans le silence de la nuit. « J’aime mieux écouter ça que les gens qui parlent tout le temps », commente Stéphane Gaudin au volant de sa Peugeot 206 fatiguée. L’horloge a sonné 4 heures et dans les rues peu éclairées de Dinan (Côtes-d’Armor), le conducteur s’arrête. Il attrape un exemplaire d’Ouest-France sur le siège passager, saute de sa voiture et dépose le journal dans une boîte aux lettres. Il remonte, valide l’opération sur son téléphone et repart pour s’arrêter une dizaine de mètres plus loin. « Quand je peux, je me gare juste devant la boîte aux lettres, comme ça, je n’ai qu’à tendre le bras. Je suis un fainéant, moi », s’esclaffe le sexagénaire emmitouflé dans une veste jaune fluo. Ce mercredi matin, il a cent soixante-cinq exemplaires à distribuer.
Depuis dix-sept ans, Stéphane Gaudin répète toutes les nuits, entre ville et campagne, le même ballet qui lui prend de deux à cinq heures. Il travaille sept jours sur sept, pour un salaire calculé au nombre d’exemplaires distribués, mais également au poids de ceux-ci (les plus lourds sont payés plus cher), soit un peu moins que le smic. Après avoir abandonné en 2007 son métier de facteur, Stéphane Gaudin avait laissé ses coordonnées à l’entreprise bretonne de distribution de presse Guillemer. Il a été rappelé le jour même, pour entamer une nouvelle carrière : apporter aux abonnés leur quotidien régional ou national, comme Le Monde, l’hebdo local ou les programmes télé, avant le petit déjeuner.
« On doit avoir tout terminé à 7 h 30 », ajoute ce fervent lecteur, par ailleurs bénévole dans la bibliothèque de sa commune. Au total, neuf mille exemplaires sortent chaque jour du site dinannais, pris en charge par vingt à vingt-cinq employés. « C’est assez difficile de recruter », reconnaît le responsable du dépôt, Erick Le Bourhis, en soulignant que porteur de presse est « avant tout un métier d’appoint ». Stéphane Gaudin a lui-même longtemps exercé comme veilleur de nuit en amont de ses tournées, pour pouvoir joindre les deux bouts.
Une faible rémunération
Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales, datant de 2014, dénombrait une dizaine de milliers de porteurs en France dont 48,2 % étaient âgés de plus de 50 ans et 18 % étaient des retraités. La rémunération moyenne plafonnait à 429 euros net mensuels, avec des conditions variant beaucoup d’un employeur à l’autre. Marie-Louise Schaguené ne gagne, elle, que 250 euros par mois. « Mais, avec ma retraite de 700 euros, je n’irais pas loin sans ce petit complément », témoigne la porteuse de 72 ans, dont dix-neuf à effectuer la livraison des journaux dans une commune alsacienne.
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