les habitants de Seine-Saint-Denis espèrent que l’effet « JO » ne sera pas éphémère

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La cérémonie de clôture des Jeux olympiques, le 11 août 2024, au Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Si l’on avait dit en juin à Kenza Chrifi, 26 ans, habitante de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qu’elle ferait aujourd’hui l’éloge des Jeux olympiques (JO) de Paris 2024, elle ne l’aurait pas cru. « J’étais une grosse râleuse des JO. Je pensais que ça serait la cata, raconte-t-elle. Mais en fait non ! Aujourd’hui, j’ai un regard beaucoup plus positif sur les Jeux. »

Les réticences des Séquano-Dionysiens concernant les Jeux olympiques et paralympiques semblent s’être dissipées avec l’été. Elles concernaient principalement les transports, la circulation, la sécurité et l’afflux de visiteurs. Plus de peur que de mal : « La vie quotidienne durant les Jeux fut même meilleure que d’habitude ! C’était propre et sécurisé, et il y avait plus de transports », témoigne Wassim Bouzidi, étudiant de 23 ans résidant au Bourget.

Seuls les problèmes de circulation semblent entacher ce bilan positif. Pour se déplacer en voiture pendant les Jeux, il fallait s’armer de patience. En cause, les 185 kilomètres de voies, sur les axes routiers autour de Paris, réservés à la circulation des véhicules accrédités pour transporter les athlètes, les journalistes ou encore les délégations officielles, ainsi que des véhicules de secours et de sécurité.

L’instauration du Pass Jeux, ce laissez-passer nécessaire pour accéder à certaines zones, a accentué la difficulté de se déplacer en voiture. « On ne pouvait pas venir au travail en voiture, d’abord à cause des bouchons, mais aussi parce qu’il y a eu de nombreuses fois où il était impossible de passer les barrages, même si l’on avait notre Pass et notre attestation employeur », affirme Manel Moumni, 39 ans, habitante de Montfermeil et infirmière dans un centre de médecine esthétique à Saint-Denis.

Les automobilistes ne sont pas les seuls à s’être plaints de ces barrages : certains restaurateurs affirment en avoir également souffert. « On s’attendait à recevoir beaucoup plus de monde, c’était une très mauvaise période, pire que d’habitude, assure Christelle Hamadou, 38 ans, serveuse depuis vingt-trois ans au restaurant Comme chez vous, dans le quartier de La Plaine, à Saint-Denis. Ce qui nous a embêtés, ce sont les barrages : quand les gens sortaient du RER D, ils ne pouvaient pas accéder au restaurant. »

« Une autre image de la banlieue »

Pour profiter des Jeux, il fallait être bien situé : aux alentours des gares et des sites olympiques et paralympiques, les clients affluaient. « Pour les JO, je mets cinq étoiles ! C’était top, nos recettes ont augmenté d’environ 40 % », témoigne une employée du bistrot La Maison de perle, situé place des Etoiles, à la sortie de la gare du RER D Stade de France-Saint-Denis.

Même constat positif pour la brasserie Le France, installé juste en face du Stade de France : « C’était une très bonne période pour nous : avec une capacité d’accueil de deux cents personnes, on était complets à 100 % pendant les Jeux olympiques et à 70 % pendant les paralympiques, raconte Jimmy Bainier, 52 ans, serveur depuis un an et demi dans cet établissement. Nos horaires d’ouverture habituels vont de 8 heures à minuit, mais pour les Jeux, on fermait à 2 heures du matin. Dur dur, je dormais deux heures par nuit, mais c’était une très bonne expérience, avec une bonne ambiance, qui n’arrive qu’une fois tous les cent ans. Depuis la fin des Jeux, la baisse d’activité fait mal. »

Jimmy Bainier, 52 ans, serveur à la brasserie Le France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Si les Jeux paraissent avoir conquis les habitants de Seine-Saint-Denis, le « 9-3 » espère avoir en retour changé le regard du public. « Les gens ont vu une autre image de la banlieue, estime Wiam Bensaid, étudiante de 23 ans et salariée au restaurant Cooking Cuisine Maison à Saint-Denis. Ils ont pu déconstruire certains préjugés sur le “93”, certaines appréhensions qu’ils pouvaient avoir en venant. »

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Des habitants préfèrent toutefois rester prudents. « Les JO, c’était trop rapide, regrette Kenza Chrifi. Ça a pu améliorer l’image de la Seine-Saint-Denis, et c’était très bien que ça se passe ici, mais je crains que l’effet “Jeux” soit éphémère. » Cette crainte revient fréquemment dans la bouche des Séquano-Dionysiens, qui semblent s’accorder pour constater que la fête est finie : baisse de la fréquence des transports avec des temps d’attente plus longs, plaintes concernant la propreté, baisse de l’activité pour les commerces…

Le goût de la fête

« Les Jeux ont apporté beaucoup en matière de transports, avec notamment la ligne de métro 14 jusqu’à Saint-Denis. C’est un vrai plus, témoigne Thomas Perreira, 27 ans, habitant du quartier Pleyel, à Saint-Denis. Mais, pendant l’été, on avait un métro toutes les deux minutes et aujourd’hui l’attente est plus longue : six à sept minutes parfois. On aimerait pourtant que cet effet “Jeux” dure. »

Les habitants de Saint-Denis bénéficient, depuis la fin du mois de juin, d’une nouvelle station de métro, Saint-Denis-Pleyel, construite dans le cadre du Grand Paris et de l’héritage des Jeux. En plus de la ligne 14, elle doit prochainement accueillir les lignes 15, 16, 17 et 18. « La gare est incroyable, mais il n’y a personne dedans, constate Alexis André, 27 ans, habitant du quartier Pleyel. Je m’attendais à ce qu’il y ait beaucoup plus de monde, mais c’est vrai que ce n’est pas vraiment une zone résidentielle. Peut-être que lorsqu’il y aura les autres lignes de métro, il y aura davantage de monde. »

Les infrastructures sportives et les aménagements réalisés pour accueillir les Jeux seront bientôt mis à la disposition des habitants : le centre aquatique olympique, l’extension du parc Georges-Valbon ou encore le village olympique, qui sera transformé en 2 200 logements locatifs sociaux et 800 logements spécifiques pour étudiants ou personnes âgés. « Je constate dans mon entourage que les Jeux ont motivé certains à faire du sport, et les nouvelles infrastructures, ça motive encore davantage », témoigne Hadja Daffé, 25 ans, infirmière et résidente du quartier de La Plaine.

Une chose est sûre : malgré les réticences qui les ont précédés, les Jeux de Paris 2024 ont su redonner le goût de la fête aux habitants de Seine-Saint-Denis. « On est même tristes que les Jeux soient finis », affirme Manel Moumni. Et c’était loin d’être gagné d’avance !

Opération « Terrains de Jeux »

Ce sujet a été réalisé dans le cadre du projet « Terrains de Jeux », soutenu par Visa, partenaire mondial des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Jusqu’en novembre 2024, huit jeunes, accompagnés par les journalistes du Monde, racontent l’année olympique vue de la Seine-Saint-Denis sous forme d’articles, de vidéos et de podcasts. Ils ont été repérés par l’association Sport dans la ville dans le cadre d’un partenariat avec Visa dont l’objectif est de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes issus des quartiers prioritaires. La rédaction du Monde est responsable du choix des sujets et des contenus éditoriaux.

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