
Le « collège unique », institution égalitaire créée en 1977, place le système scolaire français face à une équation délicate : comment gérer l’hétérogénéité sans renforcer les inégalités, et en garantissant l’acquisition par chaque élève du niveau de connaissance attendu ? Primordial, l’enjeu n’est que plus pressant après l’instauration de « groupes de besoins » en 6e et en 5e à la rentrée 2024.
Selon un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale diffusé en juin, l’organisation en groupes de tous les cours de français et de mathématiques, quand elle a été mise en œuvre, n’a « clairement pas bénéficié » aux élèves les plus fragiles, même s’ils ont évolué en effectif réduit, et a eu des effets « contrastés » sur les autres. Inopérante pour « résorber la grande difficulté scolaire », elle présente « un risque fort d’accroître les écarts entre les élèves ».
Face à ces résultats, l’inspection recommande d’« abandonner le modèle actuel » et de redonner « de l’autonomie aux chefs d’établissement dans les choix à opérer localement ». La Rue de Grenelle a préféré maintenir le cadre en l’état pour la rentrée prochaine, et a simplement édicté des consignes pour tenter de corriger les effets négatifs – par exemple, modifier plus souvent la composition des groupes, ou ne pas regrouper tous les élèves à besoins particuliers.
Distinction fondamentale avec les groupes « de besoins »
Ce bilan était annoncé. Bien que le ministère de l’éducation nationale ait finalement baptisé les groupes comme étant « de besoins », ce sont bien des groupes « de niveau » tels que les avait voulus Gabriel Attal, alors ministre, en décembre 2023, qui ont été créés dans de nombreux collèges. Or, les chercheurs ont établi que regrouper durablement les élèves en fonction de leur niveau général conduit à un décrochage des plus fragiles sans effets spectaculaires sur les autres, creusant ainsi les inégalités.
L’échec des groupes au collège est d’abord celui d’une mesure conçue en faisant primer des intérêts politiques sur ceux du système éducatif. Gabriel Attal n’ignorait pas les résultats de la recherche et l’opposition des professionnels en annonçant la création de ces groupes. Mais il connaissait aussi la popularité de cette mesure dans les sondages, dont il était un grand consommateur, et ne cachait pas sa volonté de cibler l’opinion avant les professionnels de l’école.
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