Simona, Ouloume, Marie-Emmanuelle, Papé, Fabien, Taher, Chérif, Julien… La vingtaine d’avocats des parties civiles ont tous énuméré le prénom des huit victimes, en guise de dernier hommage public. Des semaines de débats techniques, ressemblant souvent à un accedit d’expertise en construction immobilière, avaient couvert l’émotion du début du procès, marqué par les poignantes dépositions des proches des victimes des effondrements de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, à Marseille. Dans les plaidoiries, qui ont eu lieu du 5 au 10 décembre, cette émotion a rejailli instantanément. Comme à cet instant où Me Philippe Vouland, plaidant pour El Almine, petit garçon franco-comorien de huit ans au moment du drame, dont la mère a été ensevelie, a évoqué la très brève déposition de l’adolescent devant le tribunal : « Lui qui n’a pas lu Camus a rejoint les premiers mots de L’Etranger et vous a dit du haut de ses huit ans, qu’il retrouve soudain : “Monsieur le président, ma mère me manque !” Que pouvait-il dire d’autre ? Ce petit enfant vous a dit l’essentiel, vraiment l’essentiel. »
Procès pour l’histoire de Marseille, procès contre l’habitat indigne, procès de l’ère Gaudin… les avocats des parties civiles ont pointé du doigt les négligences, les « regards ailleurs », « les petits arrangements entre amis », les calculs politiques, l’incompétence et la cupidité, redoutant déjà la demande de relaxe générale que les avocats des seize prévenus réclameront devant le tribunal. « Ce n’est pas une association de malfaiteurs mais une association d’imprudents et de négligents », a résumé Me Brice Grazzini, défenseur de proches de trois des huit victimes. Pour lui, aucune des « strates de protection » n’a joué son rôle, tous les verrous ont sauté l’un après l’autre : « Ce n’est pas un accident, ces huit morts sont bien le fruit d’un je-m’en-foutisme général. »
Me Grazzini déplore un cumul de fautes : « faute de cupidité » des copropriétaires qui « ont privilégié le maintien des locataires pour encaisser les loyers » ; « faute de gourmandise » du cabinet Liautard, le syndic, incapable de bien gérer 127 copropriétés, et de son gestionnaire, Jean-François Valentin, qui « n’a pas pu ne pas entendre les innombrables alertes des occupants les derniers jours » ; « faute de paresse » de Julien Ruas, adjoint au maire (Les Républicains, LR) en charge de la sécurité des immeubles, qui « n’a pas su organiser son service pour qu’il soit efficace » ; « faute d’orgueil » de l’expert judiciaire Richard Carta, qui « a ordonné la réintégration des locataires » ; « faute de manque de professionnalisme » de Marseille Habitat, propriétaire de l’immeuble voisin vide de tout occupant qui, en y réalisant des travaux en dépit du bon sens, est accusé d’avoir fragilisé l’ensemble.
Il vous reste 51.77% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.