L’Equateur au défi du crime organisé

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L’Equateur est-il en passe de devenir un Etat failli ? La question se pose plus que jamais, depuis la déferlante de violences qui a suivi l’évasion d’un baron du crime, Adolfo Macias, alias « Fito », révélée le 7 janvier, du centre de détention de haute sécurité où il purgeait une peine de trente-quatre ans de prison. Adolfo Macias était soupçonné d’avoir ordonné l’assassinat, le 9 août 2023, d’un candidat à l’élection présidentielle, Fernando Villavicencio, qui dénonçait la corruption et le poids gran­dissant des cartels de la drogue. Cette exécution constituait déjà un signal alarmant de la dérive équatorienne.

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Face à une vague de mutineries dans les prisons, à une spectaculaire prise d’otages en direct sur un plateau de la télévision publique et aux meurtres et aux enlèvements de membres de forces de sécurité, le président Daniel Noboa a estimé le 9 janvier que le pays faisait face à un « conflit armé interne ». Il a ordonné la « neutralisation » des groupes criminels, mais en a-t-il les moyens ?

L’Equateur, qui a longtemps fait figure de havre de paix dans une région tourmentée, est devenu une proie pour le crime organisé, à la faveur de la réorientation du trafic de la cocaïne produite chez ses voisins vers ses ports donnant sur le Pacifique. Mais l’essor de gangs locaux, l’irruption des cartels mexicains, qui y ont transposé leurs guerres meurtrières pour le contrôle de ce marché, comme l’arrivée de la mafia albanaise ont aussi été facilitées par une série d’initiatives funestes dont les Equatoriens paient aujourd’hui le prix.

De la décision du président Rafael Correa (2007-2017) de mettre en concession les ports équatoriens à celle de son successeur, Lenin Moreno (2017-2021), de supprimer le ministère de la justice et de confier à une agence qui en a rapidement perdu le contrôle un système carcéral théâtre de plus de 400 assassinats au cours des trois dernières années, tout semble avoir été involontairement fait pour faciliter l’ancrage du crime. Ce dernier a bénéficié en outre de difficultés économiques lancinantes, accentuées par la pandémie de Covid-19 et par des politiques réduisant fortement les dépenses sociales, sur fond de dette abyssale.

Peu de temps pour faire ses preuves

L’instabilité politique qui s’est installée dans le pays a contrarié jusqu’à présent l’élaboration d’une riposte qui ne pourrait produire de résultats que dans la durée. Le successeur de Lenin Moreno, Guillermo Lasso, a ainsi été absorbé par un conflit avec le Parlement qui avait engagé contre lui une procédure de destitution pour corruption. Cette tension a débouché sur les élections anticipées de 2023.

Plus jeune président de l’histoire de l’Equateur, Daniel Noboa, issu d’une famille richissime, dispose de très peu de temps pour faire ses preuves. Après avoir passé seulement deux ans sur les bancs de l’Assemblée nationale, il n’a été élu que pour terminer le mandat de quatre ans de son prédécesseur, qui s’achève en 2025, et ne dispose pas de la majorité au Parlement.

Les fragilités de l’Equateur soulignent combien sont illusoires les ébauches de réponses étroitement nationales à un mal qui ignore les frontières. Une déstabilisation prolongée du pays serait catastrophique pour ses voisins immédiats, comme pour une bonne partie de l’Amérique latine. L’Equateur a besoin d’une aide sécuritaire à l’échelle du continent pour répondre à ce qui constitue, et de loin, la principale préoccupation de ses concitoyens. Il y a urgence.

Le Monde



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