Leni Riefenstahl, cinéaste d’Adolf Hitler et habile propagandiste d’elle-même

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Leni Riefenstahl et Adolf Hitler, chez elle, à Berlin, le 30 juin 1937.

Sept cents caisses d’archives remplies, entre autres, de courriers, de photos, d’enregistrements audio, de films et de coupures de presse appartenant à la plus célèbre cinéaste du IIIe Reich : Leni Riefenstahl, réalisatrice du Triomphe de la volonté (1935), un film de propagande commandé par Adolf Hitler, qui relatait le congrès de Nuremberg du Parti nazi, et des Dieux du stade (1938), sur les Jeux olympiques de Berlin, en 1936.

A sa mort, en 2003, à l’âge de 101 ans, elle a laissé à son compagnon et légataire universel, Horst Kettner, son cadet de quarante ans, la gestion de cet héritage. Ces boîtes contenaient les secrets et les mensonges de celle qui, de son vivant, ne cessa de polir sa propre légende : elle le fit dans ses Mémoires (Grasset, 1997), puis dans un documentaire, Leni Riefenstahl, le pouvoir des images (1993), réalisé par Ray Müller, où elle prenait soin d’entretenir le mythe d’une réalisatrice ayant servi l’Etat hitlérien en toute inconscience, sans avoir jamais adhéré à son idéologie.

Ces archives permettent de comprendre comment cette cinéaste admirée – le célèbre historien anglais du cinéma Mark Cousins la compare à Alfred Hitchcock et à Orson Welles, et l’actrice américaine Jodie Foster a songé à l’incarner au cinéma dans les années 1990 – a tenté de donner d’elle-même l’image d’une artiste apolitique, d’une esthète qui avait eu la malchance de vivre sous le régime nazi.

Cette version, certes déjà écornée au fil des ans et des recherches, se trouve définitivement mise à mal dans le documentaire d’Andres Veiel, Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres (sortie le 27 novembre). Le film fait figure de « pierre de Rosette » pour déchiffrer tant l’œuvre que la personnalité de la cinéaste. Il a fallu attendre décembre 2016, et la mort de Horst Kettner, pour que cette montagne de documents devienne enfin accessible.

L’ex-compagnon de la cinéaste s’était efforcé de ne pas les divulguer. « Leni Riefenstahl entretenait un rapport étrange avec lui, constate Andres Veiel. Elle affirmait qu’il n’était pas son amant, alors que, d’évidence, il l’était. Il était aussi son secrétaire et son cadreur. Elle le traitait aussi comme son “enfant” et pouvait ainsi lui ordonner : “Tu dois manger de la salade et des fruits frais, je veux un enfant en bonne santé.” Par ailleurs, Kettner était lié à l’extrême droite allemande, favorable aux thèses négationnistes. J’ai retrouvé dans les archives de Riefenstahl des correspondances entre lui et l’éditeur négationniste et néonazi allemand Ernst Zündel. »

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