L’écroulement des populations d’insectes fortement sous-estimé par des travaux à haute visibilité

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Affichage de divers charançons montés et épinglés sur une carte.

On ne perdrait « que » 9 % des populations d’insectes terrestres par décennie sur le plan mondial – bien moins qu’annoncé dans la majorité des études locales. Quant aux insectes d’eau douce, leur situation s’améliorerait notablement, puisque leurs effectifs augmenteraient de 11 % par décennie. Tout n’irait pas si mal ? Voir des données fausses se propager à partir de la littérature scientifique et affecter la qualité du débat public est une perspective terrifiante pour tout chercheur.

Pendant quatre ans, l’écologue Laurence Gaume (CNRS) et l’économiste Marion Desquilbet (Inrae) ont consacré une énergie et un temps à la hauteur de cette crainte pour ausculter InsectChange, la plus grande base de données sur l’évolution mondiale des populations d’insectes d’où proviennent ces estimations.

Le résultat de ce travail de fourmi a été publié, le 8 octobre, dans Peer Community Journal (PCJ), et alerte sur une accumulation spectaculaire d’erreurs et de biais systématiques dans cette base de données – des écarts de nature à sous-estimer considérablement l’écroulement de l’entomofaune et à produire de la confusion sur les causes de ce déclin, en dédouanant le modèle agricole dominant.

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Ce que révèle le travail des deux chercheuses françaises n’est pas seulement inquiétant pour l’avenir de la biodiversité, juge l’écologue François Massol (CNRS, université de Lille), qui en a supervisé la publication, « il remet en cause aussi le fonctionnement des revues scientifiques les plus prestigieuses, qui rechignent parfois à prendre la mesure d’erreurs pourtant graves et manifestes ».

Quatre grandes catégories

C’est un jeune journal scientifique sans but lucratif, PCJ, créé et piloté par des chercheurs désireux de s’affranchir des grands éditeurs, qui a ainsi accompagné et publié le travail critique des deux chercheuses. Ce dernier, dit Laurence Gaume, « est le fruit d’une volonté de préserver l’intégrité de la science, mais aussi de faire en sorte qu’une information juste et non biaisée soit transmise au public et aux décideurs ».

Présentée en 2021 dans la revue Ecology, la base de données litigieuse est déjà à l’origine d’une méta-analyse publiée en 2020 dans la revue Science, qui s’était attiré de nombreuses critiques, mais qui est, jusqu’à présent, citée par plus d’un millier de travaux ultérieurs. Les méta-analyses sont ces grandes études qui rassemblent l’ensemble des résultats disponibles sur une question donnée, pour y apporter des réponses théoriquement plus fiables que chaque étude prise isolément.

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