Le vice-premier ministre italien, Matteo Salvini, jugé pour avoir bloqué en mer en 2019 un navire avec 147 migrants à bord, a été relaxé en première instance, vendredi 20 décembre. M. Salvini répondait d’abus de pouvoir et de privation de liberté pour avoir empêché la centaine de migrants secourus par un navire de l’ONG espagnole Open Arms de débarquer en Italie. Il encourait plusieurs années de prison.
« Au nom du peuple italien (…), le tribunal de Palerme (…) relaxe Matteo Salvini des faits qui lui sont reprochés, le délit n’étant pas établi », a déclaré le juge Roberto Murgia après avoir délibéré, peu avant 20 heures. L’annonce de la relaxe a été accueillie par les applaudissements des soutiens du dirigeant nationaliste dans la salle d’audience, selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) sur place.
Chef de La Ligue, parti d’extrême droite anti-immigration, membre de la coalition ultraconservatrice actuellement au pouvoir à Rome, Matteo Salvini, 51 ans, récuse les chefs d’abus de pouvoir et de privation de liberté dont il répond devant le tribunal de Palerme.
L’impasse avait duré près de trois semaines et fait la « une » des journaux du monde entier : d’autres pays de l’Union européenne (UE) avaient proposé d’accueillir les migrants, des ONG étaient intervenues, et l’acteur hollywoodien Richard Gere s’était invité sur le navire en signe de solidarité. Les migrants avaient finalement été autorisés à débarquer sur l’île de Lampedusa à la suite d’une décision de justice.
« Je suis très fier de ce que j’ai fait »
M. Salvini est arrivé au tribunal de Palerme vers 9 h 30, peu avant l’ouverture de l’audience, selon des journalistes de l’AFP sur place. « Je suis très fier de ce que j’ai fait. J’ai tenu mes promesses. J’ai lutté contre l’immigration de masse et quel que soit le jugement, pour moi aujourd’hui est une belle journée parce que je suis fier d’avoir défendu mon pays », a-t-il déclaré à la presse. « Je le referais », a-t-il assuré.
Son avocate, Giulia Bongiorno, a rappelé vendredi, avant que la cour ne se retire pour délibérer, que « le code pénal italien ne punit pas qui s’oppose à la liberté de débarquer en Italie ». Elle a dénoncé « l’instrumentalisation des migrants pour combattre des ministres ne plaisant pas à une certaine partie de l’opinion politique » en Italie, reprenant implicitement les diatribes récurrentes de son client contre les « juges politisés ».
M. Salvini a reçu le soutien de plusieurs dirigeants et personnalités étrangers, dont le premier ministre hongrois, Viktor Orban, le patron de Tesla, Elon Musk, et la députée du Rassemblement national Marine Le Pen. Malgré leurs différends personnels, Giorgia Meloni, dont l’exécutif a également dressé des obstacles juridiques sur la route des navires-ambulances, a également pris fait et cause pour lui.
« Créer un précédent »
Avant la relaxe, Oscar Camps, fondateur de l’ONG espagnole Open Arms, avait affirmé qu’une condamnation « pourrait marquer l’histoire et créer un précédent ». « Nous espérons que le juge résistera à la pression et qu’il sera juste », avait-il déclaré. Ancien sécessionniste lombard qui a peu à peu fait glisser son parti vers l’extrême droite, Matteo Salvini avait mis en œuvre en 2019, au sein du gouvernement dirigé par Giuseppe Conte (Mouvement 5 étoiles, centre), une politique des « ports fermés ».
Le Monde Mémorable
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Testez votre culture générale avec la rédaction du « Monde »
Découvrir
L’Italie refusait alors l’entrée aux navires humanitaires qui secouraient les migrants effectuant la traversée, souvent mortelle, depuis les côtes nord-africaines. L’équipage d’Open Arms a témoigné que la santé physique et mentale des migrants à bord du navire bloqué en mer avait atteint un point critique, avec des conditions sanitaires désastreuses, dont une épidémie de gale. Pour M. Salvini en revanche, « la situation n’était pas dangereuse ».
Accélérer le traitement des demandes d’asiles
Ce verdict attendu, plus de trois ans après l’ouverture du procès en octobre 2021, intervient alors que le gouvernement Meloni est en butte aux juges sur sa propre politique migratoire. Des magistrats se sont en effet opposés à ses tentatives d’accélérer le traitement des demandes d’asile, notamment dans deux nouveaux centres gérés par l’Italie en Albanie.
Son gouvernement a également limité les activités des navires de sauvetage civils, les accusant d’encourager l’immigration, ce qui, selon les observateurs, n’est pas prouvé. La justice avait pu poursuivre l’ancien ministre de l’intérieur après la levée de son immunité parlementaire par le Sénat italien en 2020. Une procédure similaire, dans laquelle il était poursuivi pour avoir refusé à 116 migrants de débarquer du bateau des gardes-côtes italiens Gregoretti en juillet 2019, a été abandonnée en 2021.