Le 14 février, le Sénat examinera une proposition de loi destinée à « conforter la
filière cinématographique ». Celle-ci a été particulièrement éprouvée pendant la pandémie du Covid-19 alors que son financement repose essentiellement sur les entrées en salle. Mais plusieurs mois après leur réouverture et le retour à la normale de la fréquentation des spectateurs dans les cinémas, la priorité est-elle uniquement à la réforme des cartes d’abonnement et au rééquilibrage des relations entre distributeurs et exploitants de salles ?
Ce texte transpartisan et consensuel reprend essentiellement les préconisations du rapport de Bruno Lasserre, ancien président de l’Autorité de la concurrence, publié le 3 avril 2023. S’y
ajoutent des dispositions visant à inscrire la protection de l’environnement dans les missions du Centre national du cinéma (CNC) et à conditionner le versement des aides à la production au respect du droit d’auteur.
Mais la proposition de loi élude d’autres relations professionnelles de la filière qui mériteraient également « régulation » : les relations qui lient producteurs, réalisateurs et acteurs. Depuis 2018 et le mouvement #metoo, une prise de conscience a émergé sur la nature sombre des relations formées par ce triangle professionnel dans le cinéma français et international, le mouvement ayant éclos à la suite des accusations prononcées à l’encontre du producteur américain Harvey Weinstein.
En France, la montée des marches exclusivement féminine lors du 71e Festival de Cannes, en 2018, a mis en lumière les inégalités structurelles entre hommes et femmes dans le milieu. En 2019, un bonus parité est venu majorer le fonds de soutien accordé aux productions, lorsqu’elles respectent l’équilibre entre les femmes et les hommes dans leur recrutement.
Confusion des responsabilités
#metoo a également ouvert la voie à une réflexion plus large sur le rôle de la domination masculine derrière la caméra et dans la perpétuation de stéréotypes, si ce n’est de domination de genre sur les écrans. Et sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, de promouvoir d’autres regards, notamment féminins, pour atténuer les systèmes de domination. C’est tout le travail de recherche conduit par la critique Iris Brey et ce que demandent des associations comme le Collectif 50/50.
Après 2018, les pouvoirs publics ont laissé le CNC seul à la manœuvre. C’est ainsi qu’ont été
mises en place des formations à la prévention des violences sexistes et sexuelles qui prennent la forme de modules de trois heures dispensés aux gérants des entreprises de production mais pas aux producteurs exécutifs, réellement en charge des relations professionnelles, au moment des tournages.
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