

Mardi 6 mai, le Soudan a rompu ses relations diplomatiques avec les Emirats arabes unis, accusés d’armer les paramilitaires avec des drones qui ont notamment visé Port-Soudan, le siège provisoire du gouvernement, depuis trois jours. Ces frappes, attribuées par l’armée régulière aux Forces de soutien rapide (FSR) mais non revendiquées par les paramilitaires, ont endommagé des infrastructures stratégiques du principal port du pays. L’aéroport, une base militaire, une station électrique et des dépôts de carburants ont été touchés, selon des sources concordantes qui n’ont pas fait état de victimes. Les rares stations-service encore ouvertes ont été prises d’assaut et la ville a été privée de courant, selon la compagnie nationale d’électricité.
Depuis avril 2023, le Soudan est dévasté par une lutte meurtrière entre le chef de l’armée, le général Abdel Fattah Al-Bourhane, et son ancien adjoint, le général Mohammed Hamdan Daglo, à la tête des FSR. Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, déraciné 13 millions de personnes et provoqué « la pire catastrophe humanitaire » au monde, selon l’ONU.
Mardi soir, le général Al-Bourhane s’est engagé à « vaincre cette milice et ceux qui la soutiennent » dans une allocution à la télévision nationale, devant des images du port en feu, décrit par la chaîne comme « le site de l’agression émiratie ». Le ministre de la défense, Yassin Ibrahim, a quant à lui dénoncé le « crime d’agression contre la souveraineté du Soudan » perpétré selon lui par les Emirats arabes unis en fournissant des « armes stratégiques sophistiquées » aux FSR. Le Soudan « répondra à cette agression par tous les moyens nécessaires pour préserver la souveraineté du pays » et « protéger les civils », a-t-il dit à la télévision nationale.
Longtemps épargnée par le conflit, la ville de Port-Soudan, où transite de l’aide humanitaire et qui abrite des agences de l’ONU et des milliers de réfugiés, essuie depuis dimanche des attaques de drones. « Personne ne s’attendait à une escalade aussi rapide ni à ce que les FSR puissent frapper aussi loin », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) le chercheur soudanais Hamid Khalafallah. Des infrastructures civiles ont également été frappées à Kassala (est), une ville jusque-là considérée comme un « lieu sûr pour les civils plusieurs fois déplacés par ce conflit dévastateur », selon la coordinatrice humanitaire de l’ONU au Soudan, Clémentine Nkweta-Salami. Des témoins ont rapporté à l’AFP qu’un drone avait ciblé l’aéroport de Kassala.
Ingérence
Au Darfour (ouest), un « bombardement paramilitaire » sur le camp de déplacés d’Abou Chouk a fait au moins six morts et plus de 20 blessés, selon un groupe de secouristes bénévoles. Abou Chouk, situé près de la capitale assiégée du Darfour du Nord, El-Fasher, est en proie à la famine, comme d’autres régions du pays en guerre, selon l’ONU.
Privées d’aviation de chasse, les FSR, qui ont perdu plusieurs positions ces derniers mois – dont la capitale, Khartoum, en mars – s’appuient sur des drones, artisanaux ou sophistiqués, pour mener leurs opérations aériennes. Le but est de couper les approvisionnements de l’armée, selon des experts.
Mardi, la principale base militaire de Port-Soudan a été bombardée, selon une source au sein de l’armée. Des témoins ont affirmé qu’un hôtel proche avait été aussi ciblé. Ces sites voisinent avec la résidence actuelle du général Al-Bourhane. Un drone a aussi frappé « la section civile de l’aéroport » de Port-Soudan, entraînant la suspension des vols dans le dernier aéroport opérationnel du pays, a déclaré à l’AFP un responsable de l’aéroport, sous le couvert de l’anonymat. Dimanche, la base militaire de l’aéroport avait déjà essuyé des frappes de drones attribuées aux FSR, dont les positions les plus proches sont à quelque 650 km.
« Hier et aujourd’hui ne font que nous confirmer que cette guerre nous poursuivra partout où nous irons », a déclaré à l’AFP Hussein Ibrahim, un homme de 64 ans réfugié à Port-Soudan depuis un an en raison du conflit.
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Lundi, la Cour internationale de justice (CIJ), plus haute juridiction de l’ONU, a rejeté une plainte du Soudan accusant Abou Dhabi de complicité de génocide pour son soutien aux FSR. La CIJ s’est déclarée « incompétente », à la satisfaction des Emirats arabes unis. Pointé par plusieurs rapports pour son ingérence au Soudan, Abou Dhabi a toujours démenti soutenir les FSR issues de la milice janjawid, accusée de génocide dans la région occidentale du Darfour il y a plus de vingt ans.