Le Soudan face au risque de l’implosion

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La multiplication des fronts qui opposent, depuis 2023, l’armée régulière d’Al-Bourhane et l’unité paramilitaire de « Hemetti », connue sous le nom de Forces de soutien rapide (FSR), enfonce le pays dans une guerre d’usure. Selon une estimation américaine, 150 000 personnes sont mortes au cours du conflit, 11 millions d’habitants ont dû quitter leur domicile et 2,3 millions ont fui dans des pays voisins.

Cette guerre entraîne dans son sillage de nombreux groupes armés qui prêtent allégeance à l’un ou l’autre des camps et des dizaines de milliers de civils. Les deux protagonistes reçoivent l’aide de pays étrangers, alimentant ce conflit aux conséquences humanitaires dramatiques. Tandis que l’Egypte et l’Arabie saoudite épaulent l’armée officielle, les FSR reçoivent des soutiens des Emirats arabes unis et de la Russie.

Khartoum

Al-Geneina

Kassala

Nyala

El-Obeid

El-Fasher

Djebel
Amer

Amdjarass

Abu-Hamad

Abu Amama

Al-Ibediyya

Port-Soudan

Base aérienne
de Méroé

soudan

Emirats
arabes
unis

Tchad

Soudan

du Sud

Éthiopie

Égypte

L’Arabie
Saoudite

Russie

Iran

Ukraine

Kenya

Centrafrique

Ouganda

Libye

Algérie

Turquie

Qatar

érythrée

Mer
Rouge

Darfour

Mohammed Hamdan Daglo

« Hemetti »

Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », dirige les Forces de
soutien rapide (FSR)
, une unité paramilitaire responsable de sanglantes exactions. Il a
fait fortune grâce aux mines d’or ,
première ressource du pays, qu’il écoule sur le marché de Dubaï
avec la bénédiction des Emirats arabes unis. Ces derniers ont utilisé les milices de « Hemetti »
dans la guerre au Yémen, au sein de la coalition créée par l’Arabie saoudite en 2015. D’abord
alliés lors du coup d’Etat de 2021, « Hemetti » et Al-Bourhane se livrent à une guerre fratricide
depuis avril 2023.

Emirats arabes unis

Créer des réseaux et étendre son influence en Afrique

Les Emirats arabes unis (EAU) ont lié des relations de longue date avec « Hemetti » et ont
apporté aux FSR un avantage logistique considérable dans la bataille pour le Darfour et dans le
reste du pays, en convoyant armes et drones sous le couvert d’activités du Croissant-Rouge, à
partir du Tchad et d’autres Etats voisins. Abou Dhabi nie officiellement toute ingérence.

Terres arables achetées par les EAU

Hôpital de campagne équipé et ravitaillé par les EAU

Projet d’infrastructure émirati prévoyant la construction d’un port
commercial sur la mer Rouge et l’exploitation d’une zone agricole

Tchad

Renforcer l’axe N’Djamena-Abou Dhabi

Le général Al-Bourhane accuse le Tchad de s’être allié aux Emirats arabes unis, eux-mêmes accusés
de soutenir les FSR du général « Hemetti ». Jusqu’à récemment, un ballet d’avions-cargos reliait
Abou Dhabi à une base arrière dans l’Est tchadien. N’Djamena nie toute implication dans le conflit
soudanais.

Russie

Défendre des intérêts miniers

Si Moscou entretient des relations diplomatiques historiques avec l’armée soudanaise, les
paramilitaires russes ont collaboré avec les milices de « Hemetti » au début de la guerre pour
protéger les mines d’or qu’elles contrôlent, principalement au Darfour, et effectuer des
opérations de contrebande.

Autres relais sur lesquels « Hemetti » peut compter
grâce à l’influence émiratie dans la
zone : Tchad, Centrafrique, Soudan du Sud, Ouganda, Kenya, Ethiopie

Abdel Fattah Abdelrahman

Al-Bourhane

A la tête de l’armée régulière (forces armées soudanaises,
FAS)
, Abdel Fattah Al-Bourhane est le
chef d’Etat de facto depuis le coup d’Etat militaire d’octobre 2021. Malgré la répression brutale
exercée par les FAS contre les manifestants, le général est notamment soutenu par la junte au
pouvoir dans l’Egypte voisine. Pour gagner en légitimité sur le plan interne, il cherche appui
auprès des islamistes soudanais.

Egypte

Conserver un allié militaire

Aux commandes du pays depuis le coup d’Etat militaire de 2013, le maréchal Al-Sissi considère le
général Al-Bourhane comme un allié-clé pour la stabilité régionale. Tous deux s’inquiètent du
grand barrage de la Renaissance éthiopien, qui menace les ressources en eau de l’Egypte et du
Soudan. Le Caire apporte un soutien militaire, sous forme d’exercices conjoints, financier et
humanitaire.

Présence de l’armée égyptienne sur la base aérienne de Méroé jusqu’en
avril 2023

Barrage de la Renaissance

Arabie saoudite

Se poser en médiateur

Si Riyad cherche à s’imposer comme un médiateur de paix crédible, recevant les négociateurs des
deux camps, il a envoyé des milliards de dollars d’aides et d’investissements à la junte
d’Al-Bourhane pour maintenir une influence dans la zone face à l’Iran.

Russie

Accéder à la mer Rouge

Au début de la guerre, la Russie a usé de son influence dans les deux camps, mais, plus
récemment, elle s’est rapprochée d’Al-Bourhane pour obtenir la promesse d’établir une base navale
en mer Rouge, dont les côtes sont aujourd’hui contrôlées par les FAS.

Base navale

Usine de traitement d’or russe

Concession d’exploration aurifère accordée en juin 2024 à la Russie

Iran

Etendre son influence régionale dans un contexte de tensions en mer Rouge

La République islamique fournit de l’armement et des drones aux FAS. Khartoum et Téhéran ont
rétabli leurs relations diplomatiques, en octobre 2023, sept ans après les attaques menées par des
manifestants iraniens contre l’ambassade et le consulat d’Arabie saoudite en Iran. Téhéran a
ouvert une ambassade à Port-Soudan et espère consolider son influence sur une côte stratégique de
la mer Rouge.

Ukraine

Elargir le champ de la guerre contre la Russie

Pour répondre à la présence de paramilitaires russes sur le sol soudanais, Kiev a déployé
quelques dizaines de forces spéciales à Karthoum aux côtés des FAS en septembre 2023, tandis que
le président Zelensky rencontrait le général Al-Bourhane en Irlande. La présence, à Khartoum,
d’éléments du renseignement militaire ukrainien est confirmée quelques mois plus tard.

Autres soutiens politiques ou militaires : Libye, Turquie, Qatar, Algérie, Erythrée

Intensité des combats depuis le 15 avril 2023

Forces en présence

Forces armées soudanaises (FAS)

Forces de soutien rapide (FSR)

Forces rebelles

Force conjointe des mouvements de lutte armée, coalition composée de
divers groupes issus de la région du Darfour, ayant déclaré la guerre aux FSR en avril 2024

Principaux champs de mines d’or

Route de contrebande de l’or

Pipeline traversant le pays en provenance du Soudan du Sud

Autre projet de ports commerciaux et d’installations militaires
étrangères

Infographie Le Monde 

Sources : Sudan War Monitor ; Thomas van Linge ; Acled ; UNHCR ; Land Matrix ; Amnesty
International ; Le Monde

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