Le Soudan et les Emirats arabes unis s’affrontent devant la Cour internationale de justice

3434


Des juges de la Cour internationale de justice, à La Haye, en mai 2024.

Le Soudan et les Emirats arabes unis vont s’affronter devant la Cour internationale de justice (CIJ), jeudi 10 avril, Khartoum accusant Abou Dhabi d’avoir enfreint la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, à travers un soutien présumé aux combattants rebelles dans la guerre civile qui ravage le pays. Les Emirats estiment que l’affaire est sans fondement et assurent ne pas être impliqués dans cette guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé des millions de personnes et provoqué une famine dans de vastes régions du nord-est de l’Afrique.

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Le Tchad face au risque d’un débordement de la guerre au Soudan

Le Soudan souhaite que les juges de la CIJ émettent des ordonnances d’urgence obligeant les Emirats arabes unis à cesser leur soutien présumé aux paramilitaires (majoritairement arabes) des Forces de soutien rapide (FSR), qui combattent l’armée soudanaise depuis 2023. Les Etats-Unis ont accusé l’armée d’attaquer des civils et les FSR de « commettre un génocide » dans la région du Darfour occidental.

Dans sa requête auprès de la Cour, le Soudan affirme que la perpétration de « génocide, meurtres et déplacements forcés » a été rendue possible « par le soutien direct apporté par les Emirats arabes unis à la milice rebelle des FSR ». La requête allègue également que les Emirats « se rendent complices de génocide contre les Masalit [une communauté non arabe] en exerçant leur autorité sur la milice rebelle des FSR et en fournissant à cette dernière un soutien financier, politique et militaire massif ». Khartoum a aussi demandé aux juges d’ordonner aux Emirats de procéder à des « réparations complètes », notamment en indemnisant les victimes de la guerre.

« Parodie »

Le Soudan accuse les Emirats arabes unis de manquer aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention des Nations unies de 1948 sur le génocide, établie à la suite de la Shoah. Toutefois, Lana Nusseibeh, une représentante des Emirats, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) que ces accusations sont « sans fondement » et représentent « un mauvais usage du temps et de la pratique de la Cour ». « C’est une parodie que les institutions internationales soient ainsi utilisées comme plates-formes de désinformation au lieu d’être utilisées pour appliquer la justice sur le terrain », a-t-elle déclaré. Les Emirats nient avoir fourni des armes aux FSR.

Selon des experts juridiques, le cas du Soudan pourrait rapidement s’enliser sur des questions de compétence. Lorsque les Emirats arabes unis ont signé la convention sur le génocide, ils ont émis une « réserve » à l’égard d’une clause clé permettant aux pays de s’attaquer mutuellement devant la CIJ en cas de litige.

Les revendications du Soudan soulèvent des « questions importantes », écrit Michael Becker, expert en droit international au Trinity College de Dublin, dans un article publié sur le site spécialisé Opinio Juris. Mais « il est très peu probable que l’une ou l’autre de ces allégations factuelles ou revendications juridiques soit entendue ou tranchée par la CIJ », ajoute-t-il : « Etant donné que les Emirats arabes unis ont émis une réserve sur l’article IX lorsqu’ils ont adhéré à la convention sur le génocide en 2005, on peut s’attendre à ce que la CIJ conclue qu’elle n’est pas compétente pour juger ce différend. »

Le Soudan a fait valoir dans sa requête que la réserve émise par les Emirats arabes unis était « incompatible » avec l’objectif de la convention sur le génocide, qui met l’accent sur la responsabilité collective mondiale de prévenir ce crime contre l’humanité. Les avocats du Soudan s’adresseront à la Cour au palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas), jeudi à 10 heures (8 heures GMT), tandis que les Emirats arabes unis répondront à 16 heures. Les décisions de la CIJ sont définitives et contraignantes, mais la Cour n’a aucun moyen de les faire respecter.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu



Source link