Le silence des magistrats de la CPI, saisis du dossier Nétanyahou

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Lors d’une manifestation à Tel-Aviv, en Israël, le 22 octobre 2024.

Il n’avait fallu que vingt-trois jours aux juges de la Cour pénale internationale (CPI) pour confirmer, le 17 mars 2023, les mandats d’arrêt requis par le procureur de cette institution, Karim Khan, contre le président russe Vladimir Poutine et sa commissaire aux droits des enfants, Maria Lvova-Belova. Mais, plus de cinq mois après leur dépôt, le 20 mai, les magistrats de la CPI n’en finissent plus de délibérer sur les mandats d’arrêt demandés par le même procureur, pour les crimes commis en Israël et à Gaza, depuis le 7 octobre 2023.

Les mandats requis par M. Khan visent le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, son ministre de la défense, Yoav Gallant, et, si les juges n’obtiennent pas la preuve de sa mort, Mohammed Deif, le chef de la branche militaire du Hamas. Par leurs lenteurs, les trois juges ouvrent la porte à d’éventuelles pressions sur leurs personnes, alimentent les soupçons sur leur propre indépendance et soulèvent des questions sur la pertinence même de la juridiction.

« Si en eux-mêmes des mandats d’arrêt ne stopperont pas les crimes, ils pourraient avoir un effet réel sur le terrain et potentiellement sauver de nombreuses vies », estime le professeur de droit international Adil Haque, observateur aguerri de la CPI. Pour cet universitaire américain, « les mandats d’arrêt pourraient finir par changer le comportement des alliés d’Israël, dont les Etats-Unis et l’Allemagne », premiers fournisseurs d’armes de l’Etat hébreu.

Depuis cinq mois, les juges ont multiplié les procédures d’exception. Sur demande du Royaume-Uni, qui, début juin, a souhaité intervenir en qualité d’amicus curiae (« ami de la Cour »), pour finalement se rétracter, ils ont permis à des dizaines d’Etats, d’avocats et de think tanks, dont certains issus de lobbys chrétiens évangélistes et des extrêmes droites occidentales, de présenter un mémoire. Puis, à la mi-septembre, rompant avec son habituel refus de traiter avec la CPI, Israël s’est engagé dans la procédure, en adressant deux mémoires aux juges : l’un conteste sans surprise la compétence de la Cour, l’autre lui demande de se dessaisir en faveur des juridictions israéliennes.

La Haye dans sa bulle

Israël affirme être en mesure de juger, sur son sol, les responsables présumés des violations du droit international commises à Gaza, dans l’espoir d’échapper au glaive de la CPI, qui n’intervient qu’en dernier recours. C’est ainsi que le Royaume-Uni, mis en cause dans des dossiers de tortures en Irak, est parvenu à s’extraire des filets de la cour de La Haye. Depuis le printemps, des responsables américains comme le sénateur Lindsey Graham ou le secrétaire d’Etat Antony Blinken pèsent en faveur de cette option. Selon un observateur chevronné de la Cour, « si Israël participe, c’est sans doute qu’il a obtenu la garantie » d’un renvoi de l’affaire en sa faveur.

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