Le scandale sur un sujet aussi sensible que celui de l’égalité des citoyens face à la mobilisation ne pouvait pas rester impuni. Le procureur général d’Ukraine, Andriy Kostin, a été emporté par la révélation d’affaires de corruption impliquant des dizaines de procureurs de la région centrale de Khmelnytskyi, accusés d’avoir obtenu de fausses attestations d’invalidité leur permettant d’obtenir des pensions en plus de leur traitement et, potentiellement, d’éviter la conscription. Cet homme énergique, qui jouissait d’une bonne réputation de professionnel et n’est pas personnellement impliqué, a annoncé sa démission mardi 22 octobre, au terme d’une réunion du Conseil national de sécurité et de défense, présidé par Volodymyr Zelensky.
L’affaire avait été dévoilée dans les médias ukrainiens au début du mois d’octobre, lorsque des enquêteurs de la région de Khmelnytskyi avaient révélé que la cheffe de la commission locale d’expertise médico-sociale, Tatyana Krypa, par ailleurs élue au conseil régional, et son fils, à la tête de la Caisse de retraite régionale, s’étaient enrichis en fournissant illégalement de faux certificats d’invalidité. Les agents du SBI, le bureau d’enquête de l’Etat, avaient annoncé avoir trouvé 100 000 euros dans les bureaux de la commission, ainsi qu’un certain nombre de faux documents médicaux, des listes de clients et des diagnostics fictifs. Les perquisitions aux domiciles des deux fonctionnaires ont révélé en outre une fortune considérable : 6 millions de dollars (plus de 5,5 milliards d’euros) dans diverses devises, des bijoux, et les preuves d’un immense patrimoine immobilier en Ukraine et ailleurs dans le monde.
L’affaire a pris une tout autre ampleur à partir du 16 octobre. Ce jour-là, le journaliste et rédacteur en chef du site d’investigation Censor.net, Yuri Butusov, publiait un article révélant l’implication de nombreux procureurs de la région de Khemlnytskyi dans ce système de corruption. Ainsi, selon le journaliste et correspondant militaire très suivi dans le pays, 49 fonctionnaires locaux possédaient pour certains depuis 2016 un certificat leur permettant d’obtenir une pension. Parmi eux, le procureur régional Oleksiy Oliynyk et son épouse, qui ont pu recevoir au total 2,5 millions de hrivnas (environ 56 000 euros) avec ce système.
Face au scandale, le président ukrainien avait annoncé une réunion du Conseil national de sécurité et de défense pour traiter du sujet de la corruption de ces fonctionnaires. « Malheureusement, ici, en Ukraine, à l’arrière, il se passe des choses pour lesquelles aucun ennemi n’est nécessaire », avait-il déclaré le 20 octobre. Deux jours plus tard, au terme de cette réunion très attendue, il publiait un décret annonçant la liquidation de toutes les commissions d’expertise médico-sociales à partir du 31 décembre afin qu’elles soient remplacées par un « modèle européen transparent et numérique ». Le décret prescrit aussi une vérification de l’ensemble des décisions de ces commissions sur l’obtention de certificats d’invalidité pour les fonctionnaires. Selon le président, « il existe des centaines de cas d’invalidité manifestement injustifiés » parmi les fonctionnaires des douanes, des impôts ou des administrations locales.
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