Le procès des viols de Mazan, un tournant historique ?

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Fresque murale en hommage à Gisèle Pelicot, de la street-artiste Maca, à Gentilly, dans le Val-de-Marne, le 21 septembre 2024.

Avec les premiers pas du gouvernement de Michel Barnier, c’est l’autre feuilleton médiatique de la rentrée. Depuis son ouverture, le 2 septembre à Avignon, le « procès des viols de Mazan », comme on a pris l’habitude de l’appeler, bénéficie d’une couverture très développée, dans la presse nationale et étrangère. Sur les sites Internet des journaux, sur les chaînes et radios d’information en continu, chaque journée d’audience est disséquée en direct, pour rendre compte des prises de paroles de la partie civile, Gisèle Pelicot, des soucis de santé et déclarations de son ex-mari et principal accusé, Dominique Pelicot, et des passages à la barre des cinquante autres accusés. Ce qui témoigne de l’intérêt du public pour cette affaire conjuguant l’ordinaire et l’extraordinaire, la banalité et l’horreur du mal. « Ce n’est pas un raz-de-marée d’audience, mais nous en parlons beaucoup et cela ne fait pas fuir les téléspectateurs », constate Philippe Corbé, directeur de la rédaction de BFM-TV.

Dans l’écho public donné à l’événement, des questions émergent sur la signification sociétale de cette affaire. Des analyses inédites pénètrent les studios de télévision et de radio, en même temps que des mots, des expressions et des concepts d’habitude cantonnés à des sphères plus réduites. Que juge ce procès, au-delà des individus renvoyés devant la cour criminelle du Vaucluse ? Notre manque de préoccupation collective face à l’ampleur des violences sexuelles et sexistes, la domination patriarcale qui régit nos sociétés, la « culture du viol » qui imprègne nos imaginaires ou la « violence masculine » du quotidien ?

Plusieurs grandes voix féministes ont saisi l’occasion de ce moment d’attention pour formuler à nouveau, dans des tribunes, des idées qu’elles répètent depuis des années. « Si tous les hommes ne sont pas des violeurs, les violeurs peuvent apparemment être n’importe quel homme », relève, dans Libération, la romancière Lola Lafon, pour qui les 51 accusés sont « d’une humanité médiocre ». « Ils n’allaient pas passer à côté d’un viol gratuit près de chez eux. Ils ont été biberonnés à la haine des femmes, au mépris qui s’excite de l’impuissance de l’autre », s’indigne, dans Le Monde, la journaliste et écrivaine Hélène Devynck. Plusieurs dizaines d’hommes, parmi lesquels de nombreuses personnalités publiques, ont également signé un texte dans Libération dénonçant les « violences systémiques perpétrées par tous les hommes, parce que tous les hommes, sans exception, bénéficient d’un système qui domine les femmes ».

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