

« Papa, tu as laissé tes enfants dans la rue. » En République démocratique du Congo (RDC), le président Félix Tshisekedi a subi, lundi 7 avril, les foudres des habitants de Kinshasa délogés par les violentes inondations qui ont fait au moins 33 morts ces derniers jours.
Des pluies diluviennes se sont abattues dans la nuit de vendredi à samedi sur la capitale congolaise ainsi que dans la province voisine du Kongo-Central. Dans la mégapole de quelque 17 millions d’habitants, surpeuplée et constamment embouteillée, l’eau a rapidement envahi les rues de plusieurs quartiers populaires, engloutissant voitures et maisons. Environ 5 000 familles sont touchées, a précisé lundi le ministre de la santé, Samuel-Roger Kamba, lors d’une conférence de presse. L’armée a été déployée, notamment pour transporter les populations vers des sites d’accueil.
En visite auprès des sinistrés au stade Tata-Raphaël, transformé en centre d’hébergement d’urgence, le président Tshisekedi a tenté de trouver des réponses devant une foule qui lui demandait où en étaient les divers projets de « travaux sur la voirie » ou les « problèmes de caniveaux ». « On t’appelle “Fatshi Béton” [surnom du président Tshisekedi] mais tu n’aides pas ton peuple », a lancé au chef de l’Etat un Kinois qui, comme environ 600 victimes de la soudaine montée des eaux, a trouvé refuge sur un matelas posé à même le sol. « Gardez la santé et que le Seigneur vous protège », a enjoint le chef de l’Etat avant de quitter le stade sous la protection de membres de la Garde républicaine chargés de contenir tout débordement.
« Nous avons tout perdu »
A Kinshasa, les pluies et des inondations font régulièrement des victimes. Faute d’entretien et de réseau adéquat, les voies d’évacuation des eaux sont généralement bouchées par des immondices. Les habitations de fortune et les rues non goudronnées sont particulièrement vulnérables aux intempéries dans les quartiers périphériques, pauvres et densément peuplés, qui s’étendent sur des milliers de kilomètres carrés. Au moins 33 personnes sont mortes dans les dernières inondations et une cinquantaine ont été hospitalisées, a indiqué dimanche soir, dans un communiqué, le ministère de l’intérieur.
Lundi, les eaux qui, la veille, avaient submergé la route principale menant à l’aéroport – que certains voyageurs ont dû rejoindre en bateau par le fleuve Congo – étaient en décrue. Mais d’autres quartiers sont encore les pieds dans l’eau. « Nos biens ont été emportés. Depuis vendredi, il n’y a pas à manger, nous demandons à l’Etat de se soucier de nous », implore Micheline Ngamundele, une habitante de Limete, mère de sept enfants. « Les dégâts sont énormes. Dans mon église, nous avons tout perdu, déplore Josué, le pasteur local. Je pense que beaucoup de victimes n’ont pas encore été retrouvées, la pression de l’eau était énorme. »
Selon Gulain Amani, professeur à l’Institut supérieur d’architecture et d’urbanisme de Kinshasa, le climat est en cause dans cette situation, mais aussi l’urbanisation anarchique. « Kinshasa fait face à une pression démographique énorme et on construit un peu partout. On n’arrive pas à bien gérer les déchets ou les questions d’assainissement des eaux usées », explique-t-il à l’Agence France-Presse (AFP). Le ministère de l’urbanisme a appelé dimanche, dans un communiqué, à la « démolition » de sites « identifiés comme anarchiques ».