Quand il s’agit de faire respecter l’Etat de droit sur le Vieux Continent, le Parlement européen sait se montrer à l’offensive. Dans les prochains jours, l’institution strasbourgeoise devrait saisir la Cour de justice de l’Union européenne (UE) contre la décision de la Commission, le 13 décembre 2023, de dégeler 10,2 milliards d’euros de fonds communautaires dont Budapest était jusqu’alors privé pour ses manquements en la matière.
Il revient à Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, d’en prendre la décision formelle, lors d’une réunion avec les présidents des groupes politiques de l’Assemblée législative, jeudi 14 mars. Mais elle est déjà acquise, dans la mesure où les conservateurs du Parti populaire européen (PPE), les sociaux-démocrates (S&D), les libéraux de Renew, les Verts et la gauche radicale (The Left) y sont favorables.
« L’ouverture d’une procédure judiciaire contre la Commission est une mesure extrême mais nécessaire », commente l’eurodéputé allemand Sergey Lagodinsky (Verts), alors que, depuis les débuts de la construction communautaire, c’est la dix-septième fois que les eurodéputés attaquent la Commission en justice.
Chantage de Viktor Orban
L’affaire s’est dénouée dans la soirée du 11 mars, quand la commission des affaires juridiques a recommandé, lors d’une réunion à huis clos, l’introduction d’un recours contre l’exécutif communautaire. Seize eurodéputés y étaient favorables, un seul – Gilles Lebreton, un élu du Rassemblement national, dont le parti cultive une certaine proximité avec le premier ministre hongrois, Viktor Orban – s’y est opposé.
Le Parlement européen reproche à la Commission d’avoir débloqué les fonds alors que Budapest n’avait pas achevé les réformes exigées en contrepartie pour garantir l’indépendance de la justice hongroise. Ce faisant, l’institution aurait cédé au chantage de Viktor Orban, qui menaçait alors de mettre son veto à l’ouverture des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE.
Le 14 décembre 2023, en tout cas, au lendemain de cette décision, le premier ministre hongrois a laissé ses partenaires acter cette étape, en s’absentant fort opportunément de la réunion du Conseil européen pour aller prendre un café. Dans un rapport publié le 22 février, la Cour des comptes européenne a regretté que les « considérations politiques » aient pu « jouer un rôle considérable en dernier ressort (…) lorsque des décisions relatives à l’Etat de droit concernant la Hongrie ont dû être prises en même temps que le vote sur les négociations d’adhésion de l’Ukraine ».
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