Le paracétamol made in France, enjeu de souveraineté

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« Vous venez pour le paracétamol ? » Dans le taxi qui s’éloigne de la gare d’Agen, ce vendredi 31 mai, Said est intarissable sur le médicament vedette des officines tricolores. Pas besoin de GPS, le chauffeur connaît par cœur la route qui mène vers l’usine du laboratoire UPSA, installée depuis 1971 dans la commune mitoyenne, à dix minutes à peine du centre-ville de la capitale du pruneau. Sur le pont qui enjambe la Garonne, le voici lancé dans un vif plaidoyer pour le médicament made in France. « Il y a de plus en plus de pénuries dans les pharmacies, même sur un traitement comme le paracétamol. Si rien n’est fait, on ne pourra bientôt plus se soigner ! », s’emporte-t-il, derrière son volant.

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Le paracétamol, antalgique star des armoires à pharmacie familiales et des trousses de secours, a le don de provoquer des réactions enfiévrées. Il faut dire que les Français en avalent chaque année des quantités impressionnantes. « En 2023, plus de 538 millions de boîtes de paracétamol, que ce soit sur ordonnance ou sans prescription, ont été délivrées dans les officines tricolores. C’est le médicament le plus vendu en volume dans l’Hexagone », constate David Syr, directeur général adjoint du Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques, entité créée par des industriels du médicament pour effectuer le suivi des données du marché pharmaceutique.

Toutes pathologies confondues, l’antidouleur, sous toutes ses marques et ses dosages, représentait près de 19 % des boîtes de médicaments remboursées par l’Assurance-maladie en 2023, sans compter les consommations à l’hôpital. Sur les dix spécialités prises en charge les plus dispensées, huit étaient ainsi du paracétamol, les comprimés de Doliprane 1 gramme (173 millions de boîtes écoulées en 2023) trônant sur la première marche du podium. Un statut de vedette qui, paradoxalement, n’a pas dissuadé Sanofi, propriétaire du Doliprane, d’annoncer son intention de se séparer de ce médicament emblématique.

1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires

D’énormes sacs de paracétamol, importés d’Inde, dans l’entrepôt de stockage des matières premières de l’usine UPSA, à Agen, le 31  mai 2024.

Mal de tête, état grippal, rage de dents, courbatures, règles douloureuses, fièvre, poussée d’arthrose… L’éventail des petites et moyennes douleurs du quotidien que le paracétamol, lancé sur le marché tricolore au milieu des années 1960, permet de calmer, en a fait un basique indémodable.

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En 2023, l’antidouleur pesait environ 1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, selon les données de la société experte du marché Iqvia. « Les ventes sont fortement dépendantes des pics des pathologies hivernales, d’où les variations d’une année à l’autre », explique Antoine Collet, directeur chez Iqvia France, qui note la prédominance sur ce marché de deux acteurs, Opella, la filiale santé grand public de Sanofi, et UPSA, qui commercialise l’Efferalgan et le Dafalgan. Les deux laboratoires pharmaceutiques concentrent à eux seuls plus de 93 % des ventes en valeur, Sanofi se taillant la plus belle part du gâteau, avec près de 71 % du marché.

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