Puja Thakkar avait déjà prévu d’assister à l’investiture de Kamala Harris, le 20 janvier à Washington. Médecin à Danville (Californie), elle avait réussi à se procurer deux tickets, par l’intermédiaire d’un élu au Congrès, pour être présente devant le Capitole. L’un pour elle, l’autre pour sa fille de 12 ans, qui partagerait un moment d’histoire et d’histoire personnelle aussi. Issue d’une famille indienne installée à Berkeley, comme la mère de Kamala Harris dans les années 1970, la docteure dirige une clinique qui emploie une cinquantaine d’employés et une larme lui monte à l’œil quand elle pense à l’énergie qu’elle a dû déployer pour s’imposer dans un monde des affaires largement masculin.
La médecin avait donné leur journée aux employés pour les encourager à aller voter. Le soir du mardi 5 novembre a été un effondrement. « Je vais paraître vraiment naïve et stupide, mais je pensais vraiment que Kamala allait gagner. » La colère pointe dans sa voix. « Sur le coup, je me suis dit que, peut-être, une femme blanche aurait gagné. Mais non. Il y a eu Hillary Clinton. Donc ce que ce résultat traduit, c’est que n’importe qui est mieux qu’une femme. Un criminel est mieux qu’une femme ! »
Pour les femmes démocrates, le choc de la réélection de Donald Trump a été violent. Comment un « goujat » comme lui avait-il pu l’emporter ? Un homme qui avait affirmé pendant la campagne qu’il allait « protéger les femmes, que ça leur plaise ou non » ? Avec l’adhésion de 74 millions d’électeurs ? « Je n’ai plus confiance dans les Américains. Je ne connais aucun partisan de Trump, je ne sais pas qui ils sont, mais je ne veux pas les connaître », déclare Holly Marie, une retraitée de Washington, qui vient de sortir de deux jours d’« hibernation » sans parler à quiconque ni regarder les informations. « La raison pour laquelle il y a tant de partisans de Trump reste un mystère pour moi. »
Puja Thakkar ne comprend pas non plus. Elle n’arrive pas à s’expliquer comment des gens qui risquent de pâtir de coupes dans l’assurance santé ou les services sociaux ont voté pour le milliardaire. L’une de ses employées, dont la fille est enceinte à 16 ans, est venue l’informer qu’elle avait voté pour Trump. « Je lui ai dit : “Félicitations.” Qu’est-ce que je pouvais lui dire ? » Une autre, d’origine mexicaine, s’est désolée de ne plus savoir comment parler à son fils, fan de Trump, alors que leur famille compte des sans-papiers. « Tout cela n’a aucune rationalité », regrette la clinicienne, en montrant un mème qui circule sur les réseaux sociaux. On y voit un jeune en tee-shirt « Latinos pour Trump » qui brandit une pancarte : « Please deport my mom ! » (« S’il vous plaît, expulsez ma mère ! »).
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