Le luxe et les métiers d’art font leur diplomatie culturelle en Chine

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Cérémonie d’ouverture de l’exposition « Jeux de mains » du Comité Colbert, dans le vieux quartier de Zhang Yuan, à Shanghaï, le 4 novembre 2024.

Impossible de les rater. Sur la façade du Palais des expositions de Shanghaï, deux panneaux lumineux, siglés « Dior Lady Art », éclipsaient, début novembre, la bannière de la foire Art021, à laquelle ont participé une poignée de galeries françaises telles que Mennour, Chantal Crousel ou Almine Rech. Dans cet imposant bâtiment couronné d’une étoile rouge, cadeau de Staline à la jeune République populaire, le flux des visiteurs était incessant, les selfies, de rigueur. Mais le fond de l’air restait maussade. « Depuis un an, c’est catastrophique, les galeries ne vendent rien. Il y a une grosse crise de confiance des acheteurs chinois », lâche Magda Danysz, qui participait au même moment à un autre salon à Shanghaï, West Bund Art & Design. La galeriste parisienne parle en connaisseuse : depuis 2012, elle s’est dédoublée dans la mégapole chinoise et a suivi de près les courbes d’un marché en dents de scie.

Délaissant la peinture au kilomètre, le public branché d’Art021 s’était d’ailleurs agglutiné dans la pénombre du stand Dior, où des sacs customisés par des plasticiens appointés à prix d’or étaient exposés sur des socles, tels des fétiches. Ce faste sans complexe peut surprendre, dans un pays où étaler ses richesses est jugé malvenu, au point que les analystes parlent désormais de « honte du luxe ». Signe de la reprise en main idéologique de Pékin, le régulateur chinois de l’Internet avait même banni des réseaux sociaux, en avril, tout contenu exaltant « des styles de vie extravagants et une richesse ostentatoire ».

Mais en Chine les dogmes sont changeants, les règles, sujettes à interprétation. Aussi apprend-on vite à ne s’émouvoir d’aucun paradoxe. Pas même du voisinage cocasse du logo du Comité Colbert et du drapeau communiste chinois dans la cour intérieure d’un bâtiment des années 1930 de Shanghaï. Le syndicat, qui regroupe près d’une centaine de marques de luxe et 18 institutions culturelles, y organisait, du 4 au 10 novembre, l’opération « Jeux de mains ». Pour tirer par la manche les consommateurs chinois sans irriter leurs dirigeants, qui réprouvent le bling-bling, la designer Jiang Qiong-er avait savamment fait dialoguer artisans chinois et français.

Les maîtres dans l’art de la dentelle de bambou ou du filigrane ont ainsi rivalisé d’adresse avec les précieuses petites mains de Christofle ou de Louboutin. « Je voulais que les visiteurs chinois découvrent l’artisanat d’excellence derrière les produits de luxe qu’ils voient en boutique, et qu’après avoir compris comment cela se fabrique ils se disent “oh ! ce n’est pas cher !” », assume l’ancienne diplômée des Arts déco à Paris. L’objectif est limpide : transfigurer le produit en objet d’art, placer sur le même plan les savoir-faire français et chinois, pour relancer un luxe français à la peine, concurrencé par les marques locales.

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