le gouvernement met en scène sa ligne dure à Menton

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Le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, et le premier ministre, Michel Barnier, au poste frontière de Saint-Ludovic, à Menton (Alpes-Maritimes), le 18 octobre 2024.

Michel Barnier fait signe à Bruno Retailleau de s’approcher. Depuis le poste-frontière de Saint-Ludovic, à Menton (Alpes-Maritimes), à l’heure de définir les grands axes de sa politique migratoire, vendredi 18 octobre, le premier ministre tient à montrer qu’il n’y a pas l’espace d’une feuille de papier à cigarette entre lui et son ministre de l’intérieur. Peu importe que le locataire de la place Beauvau choque l’opinion par ses déclarations tonitruantes questionnant l’Etat de droit ou assénant que l’immigration n’est « pas une chance » pour le pays. A la fin, c’est « le premier ministre qui tranche », explique-t-on à Matignon. Mais si ce dernier met de la rondeur dans son propos, il n’affiche guère de désaccord de fond avec son ministre, posté tout sourire à ses côtés.

« Les Français attendent une politique efficace de maîtrise de l’immigration », explique Michel Barnier, qui confirme qu’une nouvelle loi « immigration » verra le jour en 2025. Le texte donne des sueurs froides aux macronistes, alliés de la coalition gouvernementale. La précédente loi, votée en décembre 2023 avec les voix du Rassemblement national (RN), comprenant une kyrielle de dispositifs anticonstitutionnels, avait manqué faire imploser le camp présidentiel. Il faudrait pourtant la « compléter », prévient le premier ministre.

Jusqu’ici, le gouvernement avait seulement évoqué son souhait de légiférer pour allonger la durée maximale de rétention à 210 jours (contre 90, actuellement). S’agira-t-il également d’intégrer les mesures introduites par la droite dans la loi de 2023, avant d’être censurées par le Conseil constitutionnel car considérées comme des cavaliers législatifs (c’est-à-dire sans lien avec le sujet du texte originel) ? Bruno Retailleau a répété, à plusieurs reprises, vouloir réintroduire notamment la pénalisation du séjour irrégulier, l’instauration d’un délai de trois ans de résidence pour l’accès à des prestations sociales ou encore le durcissement des critères de la migration étudiante et familiale. « Il y aura peut-être d’autres mesures », glisse, pour sa part, le premier ministre, qui refuse de se hasarder à confirmer les intentions du locataire de la place Beauvau, sans toutefois les rejeter tout à fait. Le « sujet-clé » de cette loi sera de « préparer l’entrée en vigueur du pacte européen asile immigration », prévue en 2026 et qu’il souhaite accélérer, dit-il, appelant à ce que chacun garde son « calme ».

Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, et le premier ministre, Michel Barnier, au centre de coopération de police et de douane, à Ponte San Ludovico (Vintimille), à la frontière franco-italienne, le 18 octobre 2024.

MM. Barnier et Retailleau sont « en phase », souligne Beauvau. Ils sont « raccords », confirme Matignon. Les deux républicains savent aussi qu’ils bénéficient d’un alignement des positions d’une majorité des Etats membres en faveur d’un durcissement de la politique communautaire. A l’issue du conseil européen des 17 et 18 octobre à Bruxelles, les Vingt-Sept ont réclamé « en urgence » une « nouvelle proposition législative » pour « accroître et accélérer » les expulsions. Il est ici question de la révision de la directive européenne de 2008, dite « Retour », qui fixe le cadre normatif des éloignements d’étrangers en situation irrégulière. « Il y a une prise de conscience, se réjouit M. Barnier depuis Menton. Tous les pays sont confrontés à cette question et ils l’abordent ensemble dans un nouvel état d’esprit qui laisse de côté les polémiques et l’idéologie. J’espère que cet état d’esprit européen va pouvoir se diffuser chez nous. »

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