Le gouvernement a transmis au Conseil d’Etat son projet de loi sur la fin de vie, qui ouvrira « la possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes ». Ce texte, dont l’Agence France-Presse s’est procuré une copie lundi 18 mars, détaille les cinq conditions à remplir simultanément pour « accéder à l’aide à mourir ».
Une personne devra « être âgée d’au moins 18 ans » ; « être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France » ; « être en capacité de manifester sa volonté de façon libre et éclairée » ; « être atteinte d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » ; enfin, « présenter une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable liée à cette affection ».
Selon le texte, « l’aide à mourir consiste en l’administration d’une substance létale, effectuée par la personne elle-même ou, lorsque celle-ci n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne ».
Le projet de loi, dont Emmanuel Macron avait dévoilé les contours il y a une semaine, doit maintenant être présenté en conseil des ministres en avril, avant de faire l’objet d’un examen parlementaire qui commencera le 27 mai dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, prévu pour durer plusieurs mois. Les députés se préparent à mettre en place, a priori le 10 avril, une commission spéciale pour examiner ce dossier très sensible.
Un « modèle français »
« Il faut respecter la liberté de conscience de chacun », a plaidé lundi sur LCI la ministre déléguée aux relations avec le Parlement, Marie Lebec. « Il y a aujourd’hui des questionnements, des interrogations sur les bons équilibres », a-t-elle affirmé, alors que des réserves émergent y compris chez certains macronistes. La ministre de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, qui défendra le texte au nom du gouvernement, sera mardi devant les députés du parti présidentiel, Renaissance, pour répondre à leurs questions.
Après des mois de réflexions et plusieurs reports, le chef de l’Etat a exposé dans La Croix et Libération un « modèle français », refusant d’inscrire dans le marbre de la loi les mots « euthanasie » ou « suicide assisté », qui peuvent être clivants – même si cette « aide à mourir » peut s’y apparenter par certains aspects.
Les représentants des principales religions, notamment la religion catholique, ainsi qu’une partie des soignants ont manifesté leurs désaccords avec les choix présidentiels. L’opinion publique, elle, semble s’y montrer favorable. Selon un sondage IFOP-Fiducial pour Sud Radio réalisé après les arbitrages d’Emmanuel Macron, ceux-ci sont approuvés par 82 % des personnes interrogées. Le soutien est majoritaire quel que soit le bord politique des sondés.
Selon le texte, c’est le patient qui fait la demande d’aide à mourir à un médecin, qui tranche seul après avoir consulté d’autres soignants, dans un délai de quinze jours. En cas de refus, seul le malade peut déposer un recours, « devant la justice administrative ». Si l’aide à mourir est autorisée, le médecin prescrit une « substance létale » à la personne, qui sera « accompagnée » jusqu’au bout par un soignant, même si elle s’administre le produit.
Le projet de loi contient aussi une autre partie visant à « renforcer les soins d’accompagnement et les droits des malades ». Ce nouveau concept de « soins d’accompagnement » doit venir remplacer les « soins palliatifs » dans la loi, avec une définition élargie : il s’agira d’une « prise en charge globale de la personne malade pour préserver sa qualité de vie et son bien-être et par un soutien à son entourage ».
Le texte jette également les bases juridiques pour créer des « maisons d’accompagnement », l’une des priorités du plan décennal pour renforcer les soins palliatifs que l’exécutif doit dévoiler d’ici à la fin de mars. Cette stratégie doit également accroître les moyens pour ces soins d’accompagnement, dont le coût atteindra 2,6 milliards d’euros annuels dans dix ans contre 1,6 milliard d’euros actuellement, renforcer les soins palliatifs pédiatriques, et mettre en place une unité ad hoc dans les vingt et un départements qui n’en disposent pas encore.