Le docteur Eugène Rwamucyo condamné à vingt-sept ans de réclusion pour complicité du génocide des Tutsi au Rwanda

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Le docteur Eugène Rwamucyo et ses avocats, à la cour d’assises de Paris, le 1ᵉʳ octobre 2024.

Eugène Rwamucyo, 65 ans, a été condamné, mercredi 30 octobre, par la cour d’assises de Paris à vingt-sept ans de réclusion criminelle notamment pour complicité de génocide et complicité de crimes contre l’humanité. Il comparaissait en vertu de la compétence universelle, un principe qui permet depuis 2010 à la France de juger les auteurs de crimes graves quel que soit le lieu où ils ont été commis ; le médecin rwandais a été acquitté des accusations de génocide et de crimes contre l’humanité.

« Nous allons faire appel dès demain matin, a indiqué Me Philippe Meilhac, conseil de M. Rwamucyo. Nous espérons que les conditions seront meilleures que celles du procès qui vient de s’achever car elles ne sont pas dignes d’un procès historique. »

« Une vérité judiciaire a été prononcée, a pour sa part déclaré Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association à l’origine de la plainte déposée contre l’accusé en 2007. Nous en sommes satisfaits. »

Au cours des cinq semaines de procès a plané la question du rôle de ce médecin hygiéniste lors de l’enfouissement de dizaines de milliers de cadavres dans les fosses communes de Butare, au sud du Rwanda. Eugène Rwamucyo a reconnu avoir organisé l’ensevelissement des corps « afin d’éviter d’ajouter une crise sanitaire à la catastrophe », a plaidé son avocat MPhilippe Meilhac. « La situation était telle qu’il fallait agir, a soutenu Françoise Mathe, son second conseil. Du fait de ses fonctions et de ses compétences, il fut chargé de cela. »

L’accusé contestait en revanche le fait qu’au milieu des cadavres du grand séminaire de Nyakibanda ou de la paroisse de Nyumba, des blessés aient été enterrés avec les morts. « Je n’ai pas toujours été à la hauteur mais je vous assure que je n’ai jamais ordonné l’achèvement des survivants », déclarait Eugène Rwamucyo, mercredi 30 octobre, lors de sa dernière prise de parole avant les délibérations du jury. A la barre, plusieurs témoins, rescapés des massacres ou participants aux opérations, ont en revanche raconté que « le Caterpillar », l’engin de chantier réquisitionné pour déverser les cadavres dans les fosses, mélangeait dans sa benne les morts et les vivants.

« Double responsabilité écrasante »

Devant les cavités creusées par le véhicule, Eugène Rwamucyo était armé d’un fusil remis par les autorités. Mais il a assuré ne s’en être jamais servi. « C’était pour asseoir son autorité, a assuré Julie Pétré, avocate générale, avant de requérir trente ans de réclusion criminelle à son encontre. La simple présence d’Eugène Rwamucyo sur les lieux de massacres était perçue par les tueurs comme une autorisation à tuer, une caution morale. »

Le tribunal a estimé qu’Eugène Rwamucyo n’était pas un acteur du génocide dans le sens où il n’a pas ordonné de tuer des rescapés. Mais en le condamnant lourdement, la cour d’assises a considéré sa participation à l’enfouissement de cadavres comme un acte génocidaire. « Le traitement des corps s’inscrit dans la continuité logique du génocide car le propre des crimes de masses est de déshumaniser l’autre, le sortir de la communauté des hommes, avait plaidé Sarah Scialom, avocate de treize des 750 parties civiles présentes dans le dossier aux côtés de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme ou la Fédération internationale pour les droits humains. Ici, le corps est traité comme un déchet qu’on jette dans une fosse. Il n’est pas étonnant qu’on ait entendu parler de camions-bennes. De plus, l’enfouissement des victimes permet la dissimulation du crime. »

La question était aussi de savoir si Eugène Rwamucyo avait du sang sur les mains. « Rien ne permet de l’affirmer mais il porte à nos yeux une double responsabilité écrasante car on peut tuer avec des mots », a estimé Nicolas Peron, autre avocat général, au terme d’un réquisitoire de sept heures.

Le procès a démontré que M. Rwamucyo, arrivé en France en décembre 1999 après un exil africain, a fait partie de la matrice génocidaire comme le prouve son entourage. Le 11 octobre, sa défense a fait témoigner Jean Kambanda. En tant qu’ancien premier ministre du gouvernement intérimaire, ce dernier se trouvait au cœur de la politique génocidaire. Entendu en visioconférence depuis une prison du Sénégal où il purge une peine de réclusion à perpétuité prononcée par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), Jean Kambanda a apporté son soutien à l’accusé, le considérant comme « un homme courageux » ayant « fait son travail ». Lors des audiences, Eugène Rwamucyo a aussi évoqué son « grand frère », Ferdinand Nahimana, fondateur de la Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM), média de la haine qui incitait les populations aux massacres. Il a été condamné à trente ans de prison par le TPIR.

Evasif

Parmi les proches de M. Rwamucyo figurait également Sosthène Munyemana, condamné à vingt-quatre ans de réclusion criminelle en décembre 2023 par la cour d’assises de Paris pour son implication dans le génocide des Tutsi.

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Chaque jour à l’audience, l’accusé était enfin soutenu par Callixte Mbarushimana, ancien secrétaire exécutif des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé de rebelles Hutu basé en République démocratique du Congo (RDC). Après avoir été inquiété par le TPIR et la Cour pénale internationale dans les années 2010, les poursuites lancées contre lui par le CPCR ont été abandonnées en septembre.

L’attitude d’Eugène Rwamucyo a souvent exaspéré Jean-Marc Lavergne, le président de la cour. Vendredi 26 octobre, ce dernier l’a interrogé sur la nature de ses liens avec Jean-Bosco Barayagwiza, fondateur de la Coalition pour la défense de la République, un parti d’extrémistes hutu, et secrétaire du comité exécutif de la RTLM, dont l’accusé était actionnaire « dans un but commercial ». M. Rwamucyo est resté évasif, laissant entendre qu’il était victime d’un « procès politique ». Il faisait pourtant partie du Cercle des républicains progressistes, un regroupement d’intellectuels proche du pouvoir. C’est dans ce cadre que, le 14 mai 1994, devant Jean Kambanda, il a prononcé un discours destiné à inciter la population à s’armer « dans le cadre d’une défense civile » et ainsi poursuivre le génocide. Des propos semblables aux paroles de La Marseillaise : « Aux armes, citoyens ! Formez vos bataillons… », a justifié l’accusé.

Eugène Ramucyo, qui a exercé sa profession de médecin en Belgique puis au centre hospitalier de Maubeuge (Nord), était le huitième Rwandais jugé en France pour sa participation au génocide des Tutsi qui a fait entre 800 000 et un million de morts au printemps 1994. Son procès s’achève avant l’ouverture de celui de Philippe Hategekimana, lundi 4 novembre à Paris. En juin 2023, ce dernier avait été condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir encouragé le meurtre de dizaines de Tutsi. Il était alors adjudant-chef de la gendarmerie de Nyanza dans la préfecture de Butare.

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