Le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf, nouveau président de la Commission de l’Union africaine

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Mahamoud Ali Youssouf (au centre) après son élection à la tête de la Commission de l’Union africaine, à Addis-Abeba (Ethiopie), le 15 février 2025.

Après sept tours de vote, le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf, 59 ans, a été élu, samedi 15 février, à la présidence de la Commission de l’Union africaine (UA) avec 33 voix sur 49 pays votants. Il succède au Tchadien Moussa Faki, qui, au terme de son second mandat, ne pouvait se représenter. Après avoir dirigé pendant vingt ans les affaires étrangères de Djibouti, petit Etat de la Corne de l’Afrique qui s’est construit une importance stratégique, ce diplomate sera le visage et la voix de l’institution panafricaine pour les quatre prochaines années.

Dans le vote qui s’est déroulé dans le vaste hémicycle du siège de l’Union africaine, à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, dont étaient privés les six putschistes du continent, tels que le Mali, le Niger, le Burkina Faso ou le Gabon, M. Youssouf s’est imposé face à deux candidats : Raila Odinga, 80 ans, ancien premier ministre kényan et vétéran de la politique africaine au carnet d’adresses bien fourni ; et Richard James Randriamandrato, ancien ministre des affaires étrangères de Madagascar.

Dans le jeu d’influence que représente toujours le contrôle des postes dirigeants de l’organisation, l’Algérienne Selma Malika Haddadi a été élue à la vice-présidence de la Commission face à la Marocaine Latifa Akharbach.

« Il connaît l’institution par cœur »

Mahamoud Ali Youssouf, francophone, anglophone et arabophone, qui s’était distingué lors du grand oral des candidats de décembre 2024 en s’exprimant alternativement dans les trois langues, présente un profil similaire à ses derniers prédécesseurs. « C’est un ministre des affaires étrangères et non un ancien chef d’Etat. L’Union africaine n’a presque eu que des diplomates à sa tête depuis sa création. La grande force de Mahamoud Ali Youssouf est qu’il connaît l’institution par cœur », explique Liesl Louw-Vaudran, chercheuse spécialiste de l’UA pour l’International Crisis Group (ICG).

« C’était le candidat le plus compétent selon beaucoup d’observateurs. Il connaît très bien ses dossiers. C’est aussi le candidat qui convenait le mieux aux chefs d’Etat qui, d’ordinaire, ne veulent pas de personnalité forte à la tête de la Commission. Il ne va pas secouer le cocotier, comme Raila Odinga aurait pu le faire. Après, est-il bon politique et aura-t-il suffisamment de poids pour s’imposer ? La question est ouverte », poursuit Paul-Simon Handy, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS). Depuis l’ancien président malien Alpha Oumar Konaré, qui avait tenté de donner une réelle indépendance d’action à l’organisation entre 2003 et 2008, les chefs d’Etat se gardent d’imposer à la tête de l’UA un caractère trop affirmé.

Dans son dossier de candidature, l’opposant kényan Raila Odinga avait inscrit les noms de Graça Machel, veuve de Samora Machel puis de Nelson Mandela, et de l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, comme « personne de référence » afin d’afficher son entregent politique. Plus modeste, M. Youssouf s’était contenté de donner les noms de sa mère et de sa femme.

Odinga, trop âgé et trop clivant ?

Si les regards étaient davantage tournés vers M. Odinga dans les jours précédant le vote, les analystes étaient toutefois bien en peine de dégager un réel favori. « Avec la nouvelle règle de la clé-régionale [une seule région du continent présente des candidats], le résultat de l’élection était très difficile à prédire. Les votes précédents, les choses étaient plus claires car chaque région [Afrique australe, Afrique de l’Est, Afrique de l’Ouest] se retrouvait derrière son candidat. Là, seule l’Afrique australe a donné la consigne à ses membres de voter pour le candidat malgache », décrypte Paul-Simon Handy. Richard James Randriamandrato a recueilli dix voix au premier tour avant de laisser, à partir du quatrième, le Djiboutien et le Kényan s’opposer.

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Raila Odinga a-t-il pâti de ses 80 ans pour emporter la décision ? « Son âge a été sa grande faiblesse. Il y avait un souci d’image : comment quelqu’un d’âgé pouvait aspirer à représenter un continent aussi jeune ? D’autant que la fonction nécessite de se déplacer énormément et de participer à de nombreuses conférences », juge Liesl Louw-Vaudran, qui ajoute toutefois que « le fait qu’il ne mâche pas ses mots a aussi pu faire peur à certains chefs d’Etat ».

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Les défis qui attendent désormais M. Youssouf à la tête de l’institution panafricaine sont nombreux et complexes. A commencer par la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo, où les rebelles du M23, appuyés par le Rwanda, ont conquis vendredi Bukavu. Autre urgence sur laquelle le nouveau président de la Commission de l’UA est attendu : le Soudan. Mais porté au pouvoir par des chefs d’Etat aux intérêts divergents et qui refusent le plus souvent de déléguer une partie de leurs prérogatives, le diplomate sait que sa marge de manœuvre sera étroite. Plus encore depuis que Donald Trump a annoncé un gel de l’aide américaine.

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