« Le choix de l’état d’urgence, en 2015, est l’expression d’une perte de sang-froid qui joue contre la démocratie »

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Ce 16 novembre 2015, trois jours après les attentats islamistes qui avaient ensanglanté nos rues, le président François Hollande achève son discours devant le Congrès réuni à Versailles. Il avait le choix de s’engager pour plus de démocratie et d’assumer la fraternité républicaine dans le combat contre nos ennemis obscurantistes. Pourtant, il fit l’inverse : d’une part en décidant de limiter l’Etat de droit par le recours à l’état d’urgence et le renforcement des pouvoirs de police ; d’autre part en annonçant la déchéance de nationalité. Il accréditait ainsi l’une des thèses favorites de l’extrême droite : celle de « l’ennemi de l’intérieur », qui menacerait notre « sécurité, première des libertés ».

Sans doute François Hollande faisait-il sincèrement face à des demandes contradictoires, mais dix ans après, le bilan est là : les politiques publiques, les instructions préfectorales, les méthodes policières cultivent les tentations autoritaires. Dans une tribune récente publiée par Libération, Manuel Valls, qui fut son premier ministre et l’inspirateur de ce raidissement, récite encore la doctrine, assumant d’avoir restreint les libertés « sans remettre en cause l’Etat de droit ».

A qui relativise l’étendue des « dégâts collatéraux », il convient tout de même de rappeler que, sous l’effet de l’état d’urgence, prolongé jusqu’en novembre 2017, les autorités procédèrent à 4 500 perquisitions administratives, plus de 5 300 arrêtés autorisant les contrôles d’identité, les fouilles de bagages et les visites de véhicules, plus de 750 mesures d’assignation à résidence, une vingtaine de fermetures de lieux de réunion et, pourtant, presque pas de poursuites judiciaires faute d’incrimination.

La frénésie ne faiblit pas

En revanche, que d’humiliations et de rancœur : du pain bénit pour les futurs agents recruteurs du terrorisme, qui profitent d’une moindre présence d’éducateurs spécialisés, d’effectifs de la PJJ et d’autant de sentinelles contre la radicalisation. De quoi donner la possibilité aux plus zélés de prospérer lorsque la République s’affaiblit. Cela n’empêchera pourtant pas le nouveau pouvoir macroniste d’aller plus loin encore en transposant de nombreuses mesures dérogatoires dans le droit commun dès son arrivée au pouvoir.

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