

Le tribunal correctionnel de Foix a condamné, mardi 6 mai, à quatre mois de prison avec sursis le chasseur qui avait abattu une ourse lors d’une battue illicite, en 2021 dans les Pyrénées, pour laquelle quinze autres chasseurs ont reçu des amendes et se sont vu retirer leurs permis de chasser. L’ensemble des prévenus se voit également contraint de verser collectivement plus de 60 000 euros de dommages-intérêts aux associations environnementales qui s’étaient constituées parties civiles dans ce dossier.
Le jugement concernant le tireur est conforme aux réquisitions du procureur, qui, lors du procès, le 19 mars, avait requis la même peine contre le chasseur de 81 ans, auteur du tir mortel après avoir été blessé par Caramelles, une femelle de 150 kilos, accompagnée de deux oursons. Les avocats de la défense avaient demandé la relaxe des chasseurs.
Avocate de quatorze des chasseurs, Fanny Campagne, qui avait plaidé la relaxe, a mis en doute « la légalité de la constitution de la réserve » où est survenu l’accident de chasse et dénonce « l’absence de signalisation de l’interdiction de chasse ». Elle ne s’est pas prononcée sur un éventuel appel. Les chasseurs ont quitté le tribunal sans faire de déclaration.
« Prise de conscience »
Pour l’association Pays de l’ours, qui participe avec l’Office français de la biodiversité (OFB) au suivi de l’ours, le délibéré est « satisfaisant ». « Tous les chasseurs ont été reconnus coupables, c’est le plus important pour nous. Le tribunal a établi des manquements », a réagi Sabine Matraire, la présidente de l’association, qui réclame de nouveaux lâchers d’ours, estimant que la population ursine n’est pas encore viable. « On espère que ce jugement sera suivi d’une prise de conscience dans le milieu de la chasse », a-t-elle ajouté en sortant de la salle d’audience.
A la barre du tribunal, le principal prévenu avait admis avoir ouvert le feu sur l’ourse, en état de « légitime défense ». « Elle m’a attrapé la cuisse gauche, j’ai paniqué et j’ai tiré un coup de carabine. Elle a reculé en grognant, elle m’a contourné et m’a mordu le mollet droit, je suis tombé, elle me bouffait la jambe, j’ai réarmé ma carabine et j’ai tiré. Elle est morte cinq mètres plus bas », avait-il relaté à l’audience. Outre la peine de quatre mois de prison avec sursis, le tribunal l’a également condamné à 750 euros d’amende, à la confiscation de son fusil de chasse et au retrait du permis de chasse.
En 2008, un autre chasseur avait été jugé pour avoir abattu une ourse dans les Pyrénées-Atlantiques quatre ans plus tôt. Relaxé en première instance, il avait été condamné en appel à indemniser diverses associations de protection de la nature à hauteur de 10 000 euros. L’association communale de chasse (ACCA) à laquelle il appartenait avait été condamnée à 53 000 euros de dommages et intérêts pour la mort de Cannelle en 2004.
Faire « avancer la réflexion sur la cohabitation entre chasse et ours »
Caramelles et Cannelle ont été naturalisées et sont aujourd’hui visibles au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse. Menacée d’extinction au début des années 1990, la population d’ours bruns s’est considérablement développée dans les Pyrénées grâce à un programme de restauration de l’espèce, incluant des lâchers d’ours venus de Slovénie. D’après l’OFB, qui a formellement identifié 96 ours grâce à leur empreinte génétique, le massif montagneux compte désormais entre 97 et 127 individus.
Les seize chasseurs d’Ariège espéraient échapper à une condamnation, ainsi qu’aux lourdes indemnisations exigées par les associations défendant la présence de l’ours dans les Pyrénées, qui réclamaient 100 000 à 175 000 euros, l’équivalent selon elles du coût du remplacement de l’ourse abattue. L’un des participants à la battue qui a conduit à la mort de Caramelles estime que l’Office national des forêts (ONF) a sa part de responsabilité : « L’ONF, a-t-il affirmé, a laissé les battues se dérouler pendant 40 ans dans cette réserve ».
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Si les divergences de vue sont nombreuses entre chasseurs et écologistes, les parties civiles reconnaissaient le caractère accidentel du tir mortel, tout comme l’accusation. Mais, a souligné le procureur au procès, le chasseur octogénaire « a pris sciemment le risque d’une confrontation avec l’ourse dans la réserve, qui est une zone de quiétude » pour cet animal. Au-delà de la condamnation, Alain Reynes, directeur de l’association Pays de l’Ours, souhaite « que ce procès [fasse] avancer la réflexion sur la cohabitation entre chasse et ours ».