Des célébrations ont éclaté, mardi 8 octobre, en fin de matinée, dans de nombreux endroits du Cachemire quand la défaite du parti de Narendra Modi fut donnée pour acquise. Les militants de la Conférence nationale, le plus ancien parti politique de la région, ont fait éclater des pétards et se sont partagé des bonbons devant les bureaux de leur parti, y compris dans la capitale, Srinagar, à l’annonce des résultats des élections régionales. Ils obtiendraient selon les premiers résultats, 47 sièges, contre 27 pour le parti Bharatiya Janata (BJP), la formation du premier ministre.
Près de 9 millions de Cachemiris ont été appelés aux urnes du 18 septembre au 1er octobre, pour la première fois depuis dix ans, pour élire leurs représentants à l’assemblée du Jammu-et-Cahemire. Ils ont clairement défié le premier ministre indien qui, le 5 août 2019, avait brutalement décidé d’abolir l’article 370 de la Constitution, conférant à la seule région de l’Inde à majorité musulmane une large autonomie et limitant l’intervention de New Delhi aux secteurs de la défense ou des communications. Narendra Modi avait également aboli l’article 35 A de la Constitution, interdisant la possession de propriétés aux non-Cachemiris. Ce coup de force fut l’acte fondateur de son second mandat.
Le Parlement régional avait été dissous, tous les leaders démocratiquement élus, arrêtés, ainsi que des milliers de personnes, journalistes, défenseurs des droits, simples citoyens. La région a été coupée du monde des mois durant, sans aucune communication. Les journalistes étrangers y restent interdits. Le Cachemire a été rétrogradé, passant du statut d’Etat doté de larges pouvoirs à celui de territoire de l’union, administré par Delhi. Il a été scindé en deux, d’un côté le Jammu et Cachemire, de l’autre le Ladakh.
Cette opération purement idéologique qui figure à l’agenda des partisans de l’hindutva, l’extrême droite hindoue, n’a eu d’autres buts que de marginaliser les musulmans, de les priver de leurs représentations et de tenter d’hindouiser cette région, en modifiant sa composition démographique.
Un gouverneur aux ordres de Delhi
La Conférence nationale, dirigée par la famille Abdullah, alliée au Parti du Congrès, devrait former le nouveau gouvernement. Son représentant, Omar Abdullah, s’est présenté aux élections avec l’objectif principal d’annuler les changements politiques et constitutionnels intervenus après la révocation de son autonomie. En aura-t-il les moyens ?
Le gouvernement régional a perdu l’essentiel de ses pouvoirs, soumis à un gouverneur sous les ordres de Delhi. Le lieutenant-gouverneur dispose d’un droit de veto lui permettant de rejeter les lois ou de s’opposer aux nominations du gouvernement régional. C’est lui qui a le dernier mot sur des questions administratives et juridiques essentielles, y compris sur les affectations et les poursuites d’officiers accusés de corruption et d’autres malversations. Mais le gouvernement, même affaibli, aura une légitimité.
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