
Nous sommes dans les années 1940, 1950, 1960… Dans les gares, les aéroports, aux frontières, en bateau ou en voiture, ils sont des centaines de milliers à arriver en France après avoir quitté leur pays natal, leur famille, leurs racines. La France voit en eux des bras qui, à moindre coût, lui permettront de se relever de la seconde guerre mondiale. Eux rêvent à une vie meilleure, laquelle se résume souvent à épargner suffisamment d’argent pour un jour retourner au pays tout en envoyant de quoi faire vivre la famille restée là-bas en attendant. Il peut s’agir de grands-parents, de parents, de frères, de sœurs, d’épouses, d’enfants…
Beaucoup d’entre eux ne connaissent pas leur date de naissance. Elle a donc été établie d’office par l’administration coloniale au 1er janvier. Si tous les travailleurs immigrés connaissent souvent avec précision la date de leur arrivée en France, ils ignorent parfois celle de leur arrivée au monde.
Certains seront recrutés pour travailler dans les mines de l’est de la France, notamment par Félix Mora, d’autres se retrouvent à travailler à la chaîne, d’autres encore occupent les chantiers de construction. Ils viennent d’Afrique du Nord ou de l’Ouest, du sud de l’Europe ou de l’Asie. En 1954, 65 % des personnes actives étrangères sont des ouvriers, le taux passe à 77 % en 1975.
Oubliés des livres d’histoire
Durant des années, ces immigrés ont travaillé, souvent dans des conditions précaires, à faire des métiers pénibles, affrontant le racisme, la solitude, les blessures de l’exil, le déclassement, les désillusions aussi. Certains ont vécu ici sans reconnaissance, d’autres ont réussi à s’enraciner, à faire venir leurs proches, à élever leurs enfants dans ce pays, tout en gardant la mémoire de celui qu’ils avaient quitté.
Loin de l’image silencieuse et docile que certains ont d’eux, ils ont pu se constituer en association ou en syndicat pour faire valoir leurs droits ou protester contre les crimes racistes, notamment dans les années 1970, avec les luttes dans les foyers Sonacotra [devenue Adoma] ou avec le Mouvement des travailleurs arabes. Ils ont eu un engagement décolonial, comme en témoigne la mobilisation des « travailleurs indochinois » en pleine guerre d’indépendance.
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