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Le vocabulaire des compétences constitue un idiome partagé par nombre de milieux professionnels. Récemment, ce vocabulaire a été mis à contribution pour définir les objectifs des enseignements universitaires : ces derniers sont désormais organisés en « blocs de compétences et de connaissances ». Cette évolution s’accompagne d’une remise en cause de la légitimité des formations générales dispensées par les universités. En bonne place parmi les instigateurs de cette remise en cause, on trouve le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres). Pourquoi cette offensive ?
La raison en est que le Hcéres, dans ses évaluations des unités d’enseignement, place en tête de ses critères la professionnalisation des étudiants. Emmanuel Macron avait lui-même expliqué, lors d’un discours aux présidents d’université tenu le 13 janvier 2022, que « l’université [devait] préparer nos jeunes à exercer leur futur métier. Elle doit leur donner des savoirs, des compétences qui ouvrent les portes de l’emploi ».
Ces propos n’avaient rien de surprenant, étant dans le droit fil de la déclaration de Bologne du 19 juin 1999. Celle-ci, signée par 29 pays, introduisait l’idée d’« organiser les formations sur un premier cycle destiné au marché du travail (de trois ans au moins) et un deuxième cycle nécessitant l’achèvement du premier ». Enoncer cela revient à acter que les enseignements dispensés doivent avant tout préparer à l’emploi. On amarre ainsi leur évaluation à un solide de référence lui-même évolutif : le marché du travail.
« Compétence », terme confus
Ceux qui expriment des réserves sur ces orientations sont soupçonnés d’être indifférents à l’insertion professionnelle des étudiants. Mais ce qu’une telle réaction révèle, c’est surtout une incompréhension totale de ce que l’on appelle une « formation générale ». Cette incompréhension est d’autant plus frappante que nos dirigeants politiques ont, pour la plupart, suivi de telles formations et ne s’en portent pas, en général, plus mal. Une formation générale ne prépare pas directement à une profession. Mais ce n’est pas parce qu’une formation n’est pas professionnalisante qu’elle ne peut pas avoir un rôle-clé dans le choix d’une profession et l’obtention d’un emploi. Au Royaume-Uni, un master de philosophie est considéré comme une bonne préparation au métier d’avocat. La formation proprement professionnelle prend place ensuite.
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